Pop culture, pop art, pop music: tout ce qui fait émerge (en anglais : « to pop up », émerger, pousser, surgir) est-il soluble dans la culture?
La Pop culture ne se réduit pas à une vulgaire marchandise destinée aux masses consuméristes. Cette culture populaire demeure traversée par des contradictions et peut alimenter un imaginaire de révolte
CAMP et AUTOTUNE
Aujourd’hui, je vais m’intéresser à ce qui pourrait définir la pop en la comparant au style camp, une notion que nous n’employons pas ou peu en France. Il existe des similitudes entre les deux, même si l’un n’est pas synonyme de l’autre.
Le camp englobe une esthétique et une attitude kitsch distanciées, pensées. Aux États-Unis, la culture camp est liée à la culture gay masculine et à l’art du travestissement.
Toutefois, un nombre important d’œuvres, d’artistes et de pratiques culturelles françaises exprime une sensibilité camp telle qu’elle a été décrite par les critiques culturels anglo-saxons.
Le camp repose sur le kitsch, le démodé, sur la création d’un personnage, sur l’absurdité de la morale et une vision comique du monde. Le camp semble incarné par des artistes homosexuels qui assument leur décalage avec les normes et le conformisme.
(wiki etc)
C’est Susan Sontag (romancière, écrivain, essayiste américaine; 1933-2004) qui en parle le mieux.En 1964, elle publie un article sur le « Camp » appelé à devenir le texte de référence. Alors, Sontag elle-même faisait cette distinction :
« Le « Pop Art » est plus sec et plus plat, plus sérieux, plus détaché de son objet, nihiliste en fin de compte. »
Il est intéressant avec le recul de pouvoir trouver plus de points de convergence que de différences, finalement. Car, depuis les années 60, le camp a gagné en visibilité. On peut citer de grands réalisateurs associés à cette sensibilité (John Waters, Pedro Almodóvar, par ex.) qui ont fait preuve d’une démarche délibérée dans ce sens.
Le pop art et le glam rock, avec Andy Warhol pour le 1er et David Bowie -pour le 2nd, ont élargi le champ d’investigation du camp.
1. Pour commencer par des généralités: « Camp » est un certain modèle d’esthétisme. C’est une façon de voir le monde comme un phénomène esthétique. Dans ce sens — celui du Camp — l’idéal ne sera pas la beauté; mais un certain degré d’artifice, de stylisation.
Camp?
« Le « Camp » est fondamentalement ennemi du naturel, porté vers l’artifice et l’exagération. »
Susan Sontag, L’œuvre parle, p.307
On pense assez rapidement à Lady Gaga (avant elle, Madonna; dans une moindre mesure; Britney Spears). Mais Gaga fait plus fort, parodiant même Madonna (« Born this way » et « Express yourself » se ressemblent furieusement, quand même). Gaga serait-elle le summum de l’icône pop? Même Britney et Mylène (chez nous) n’ont pas réuni autant de critères pop.
Lady Gaga affirme que sa seule ambition a toujours été de devenir une star. La musique et la dance ne sont que des moyens. Mais Lady Gaga s’adresse aux exclus et aux marginaux en leur proposant de devenir également des stars à travers elle. (Born this way)
La culture pop comme le style camp aime ce qui est populaire (et non ce qui est « élitiste », la culture dite « savante » qu’elle conteste). D’où les séries (Game of Thrones) , les comics, les blockbusters (Star Wars, en 1er).
« Camp », c’est un art qui se prend au sérieux, mais qui ne peut pas être pris tout à fait au sérieux car il en fait trop. On retrouve cette démesure, cette outrance dans la culture pop.
Gaga et ses tenues improbables car too much
Bien vu aussi chez 2ne1 :
G-Dragon (Kwon Ji-yong), le Lady Gaga coréen ou presque, androgynie et confusion des genres à l’appui:
« L’élément essentiel du « Camp », naïf ou pur, c’est le sérieux, un sérieux
qui n’atteint pas son but. »
« En un sens il est tout à fait correct de dire: « C’est trop bon pour que ce soit « camp », ou « c’est trop important », c’est-à-dire pas assez en marge. »
Extravagance, décalage, quand je vois ceci
je pense étrangement à cela:
Le mauvais, le raté devient un canon camp. Et de là, le moche, le kitsch, à la limite du mauvais goût.
» it’s good because it’s awful »
John Waters, réalisateur, dit ceci:
»Whatever was camp has mutated into plain mainstream American humor . . . Kitsch, or camp, means something so bad it’s good. But what is so bad it’s good anymore? »
« Quoi qu’il ait été, le camp est maintenant totalement intégré à l’humour grand public américain»
Nous y sommes. John Waters…
John Waters et Divine, « Pink Flamingos » en 1972 (je ne raconterais pas la fameuse scène de la crotte de chien) John Waters est l’illustration parfaite (ici, Hairspray-1988); Mauvais goût, outrance, et film-culte.
On se moque de la vérité, de la sincérité. Rien de plus insincère en musique que l’usage de l’auto-tune ?
Le son est uniforme, métallique et surtout, impersonnel.
Doit-on remercier Andy Hildebrand, l‘inventeur?
Les précurseurs tels que Cher en 1998
T.Pain, peut-être (et depuis, on a de l’auto-tune dans beaucoup de rap )
Et pourtant, Kanye West remercie ici « Dieu et l’auto-tune »; signe des temps.
« On est séduit par le « Camp » quand on s’aperçoit que la sincérité ne suffit pas. La sincérité peut être ignorante, et prétentieuse, et d’esprit étroit. »
ibid, p.323
Ce qui compte, c’est la naïveté. « Le pur camp est toujours naïf ». La pop est naïve. Tellement 1er degré qu’on pense souvent que c’est du second!
Finalement, 2nd ou 1er, on s’aperçoit que la culture pop est surtout efficace.
Ce qui compte, c’est l’intensité.
Se nourrir de kitsch, du has-been, du décalage qui s’impose.
Le camp ne jure que par le personnage. Merci, nous sommes à l’ère des télé-réalités, où il est si important de paraître, d’incarner un personnage et non pas d’être, d’évoluer (et je ne suis pas sûre que cette réalité aurait pu s’imaginer dans les 60’s sinon sous forme de récit de SF).
Autrement dit, l’attitude, le style, le décalage -malgré lui, j’ai envie dire, (la pop est naïve) sont autant de points qu’on retrouve dans la pop culture. (ou comment la culture punk est une culture pop…- la culture, hein, pas la musique!).
Désormais, la star n’est plus la vedette au-dessus de tous, mais la personnalité dans laquelle chacun doit s’identifier pour changer la culture, la pop, le monde.
« Une race dépourvue de préjugés, sans discrimination, mais dotée d’une liberté sans bornes », propose Lady Gaga.
Finalement, la pop culture est-elle celle de la masse ? De l’uniformité ? Ou bien a-t’elle une tendance à intégrer les contre-culture ? Les différences ? N’a t’elle pas absorbé le style camp, entre autres ?
Je vous invite à me suivre au pays de la pop la semaine prochaine.
J’ai un tableau consacré à la pop culture sur pinterest.