En évoquant le style camp la semaine dernière, j’ai parlé de l’une des icônes pop; j’ai nommé Lady Gaga.
Icône pop
L’icône pop telle qu’incarnée par Stefani Germanotta (Lady Gaga) pose la question de l’authenticité dans la pop culture.
A une époque où copier/emprunter équivaut à se réapproprier, voire à se réinventer une identité, on peut se demander: « Mais où passé l’authentique? La pop culture ne serait-elle qu’un fake? »
Quand Gaga écrit « Born this way » (dont j’ai déjà parlé la semaine passée), elle déclare l’avoir fait en une dizaine de minutes. Et nous, pas complètement idiots, de nous exclamer: « Forcément…quand on copie… c’est facile ! »
En effet, on entend dans « Born this way » , le « Express yourself « de Madonna (autre icône pop) mais aussi un peu de « Libertine » de Mylène Farmer (encore une icône pop !) et même quelque chose du « When love takes over » de David Guetta; les deux morceaux commençant de façon très similaire :
Alors copie ou pas ? Lorsqu’on lui en fait la remarque, Gaga a préféré citer Pablo Picasso :« Les bons artistes copient, les grands artistes volent ». Une citation déjà utilisée par le monsieur à la pomme, Steve Jobs.
L’artiste pop est donc un voleur d’idées, mieux, un ré-inventeur. Aussi est-il logique qu’il utilise le travestissement ( et l’incarnation de personnages, merci Mr.Bowie) afin de s’exprimer pleinement.
Ce n’est pas pour rien que je parlais de David Bowie, l’homme aux multiples avatars (Ziggy Stardust, Halloween Jack, The Thin White Duke,etc ….) et à l’androgynie revendiquée puisqu’il incarne parfaitement l’icône pop:
Sans oublier Iggy :
Ou les New York Dolls – des icônes que des séries TV comme Vinyl sauront très bien exploiter
Come on, vogue
Le travestissement emprunte ses codes aux drags. Il est intéressant de noter que l’influence de la communauté gay est majeure pour les artistes et icônes pop.
Dans les années 70 et 80, les gay balls (autrement dit: les bals gays) font émerger un mouvement qui sera repris par Madonna des années plus tard : le vogueing ou voguing.
« Apparu dans les années 1970 parmi la communauté transgenre et gay des afro et latino-américains le voguing est caractérisé par la pose-mannequin, telle que pratiquée dans le magazine américain Vogue durant les années 60 et lors des défilés de mode, intégrée avec des mouvements angulaires, linéaires et rigides du corps, des bras et des jambes.
Les danseurs se regroupent en équipes appelées « house »1. Ces équipes se retrouvent, et s’affrontent en chorégraphie, lors d’événements, les « balls » ou « balls de voguing ». Les« houses » (maisons) portent le nom de maisons de couture ou marques de luxe. »
wiki
Je vous conseille ce documentaire : Paris is burning qui parle de ces bals.(il dure 1h et est disponible sur YT)
S’en inspirant, la série Pose parle très bien de cet univers. Elle contient 3 saisons.
« Vogue » avait mis à la mode le voguing – (la série revient d’ailleurs sur cet épisode).
Un aspect intéressant: le défilé de mannequins a déjà été utilisé dans « Funny face » – avec Audrey Hepburn (icône pop, sûrement!) en 1957 :
Pourtant, ce que l’on juge dans le voguing, c’est la realness, ce qu’on traduirait par « authenticité ». Etre « real » n’est pas seulement être vrai, réel; c’est atteindre ce point d’authenticité afin de pouvoir devenir ce qu’on ne fait que faire semblant d’être.
RuPaul, célèbre drag-queen américain.e, a même sorti une chanson sur le sujet. Les paroles disent ceci :
« If real is what you feel
Feelings aren’t real
Put your money down
Place your bet and spin the wheel«
N’oublions pas non plus l’utilisation de cette realness mise en avant dans la série d’émissions de RuPaul.
Etre real, c’est savoir s’imposer, sans devenir ce qu’on prétend être.
C’est à peu près ce que dit Gaga :
» Lady Gaga est ce que les autres pensent qu’elle est. Ce n’est pas nécessaire ce que je suis réellement »
« Même si je me sens Gaga, c’est-à-dire cette individualité très forte que j’ai découverte quand j’étais jeune à New York, aimais la musique, rencontrais de jeunes talents, travaillais avec des musiciens, des auteurs, quand j’étudiais cette scène et que j’ai embrassé ce style de vie, j’ai commencé à m’appeler moi-même Gaga après que les autres m’ont appelé comme ça »
Et la boucle est bouclée quand Gaga rend hommage à David Bowie aux Grammys 2016:
« You’re born naked and the rest is drag » (RuPaul)
« Tu es né nu, » dit l’un. « Tu es né comme ça« , fait Gaga. Alors, quoi de mieux que d’incarner une persona pour mieux être soi-même ?
My mama told me when I was young
Ma maman me disait quand j’étais jeune
We are all born superstars
Que nous sommes tous nés superstars
She rolled my hair and put my lipstick on
Elle brossait mes cheveux et me mettait mon rouge à lèvres
In the glass of her boudoir
Dans le miroir de son boudoirBorn this way
La persona (du latin : per-sonare = parler à travers; le masque que portaient les comédiens au théâtre pour prendre la parole; rien d’anodin, en fin de compte) n’est qu‘un prétexte pour devenir ce que l’on est, en gardant à l’esprit que la vie peut être parodie, jeu, trouble, mais qu’il est nécessaire de la vivre maintenant.
Je ne peux m’empêcher de penser à une autre icône pop, Jim Morrison, en écrivant ces mots.
Dans « When the music is over », Morrison lance: »We want the world and we want it now« . Le roi Lézard (persona de Morrison, on y revient) avait déjà jeté bien des bases de la pop culture et, a fortiori, de l’icône pop. Le mythe était en marche…
Je reviendrais sur cette notion de « mythe » la semaine prochaine. Merci de me suivre dans ce voyage dans le monde de la pop !
N.B pour écrire ces articles, je me sers, entre autres :
- Pop Culture – Réflexions sur les industries du rêve et l’invention des identités – Richard Mèmeteau – (Zones)
- Life – Keith Richards & JamesFox -(Points)
- Apathy for the devil –Les Seventies. Voyage au coeur des ténèbres– Nick Kent (Rivages rouges)
- Et de mes propres notes
J’ai encore appris pleins de choses, quel boulot ces articles, ils sont juste géniaux !
J’avais découvert le voguing dans un docu arte sur la danse, c’est un mouvement super intéressant
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Ils avaient un peu parlé du vogueing quand la chanson de Madonna était sortie, je me souviens.
Pour la persona, il y a aussi un livre que j’ai lu, Succès Damné, qui est intéressant sur ce que le succès fait à la psyché, et comment créer une persona est un bon moyen de séparer ce qui arrive à la star de la personne derrière, pour qu’elle puisse se protéger.
http://www.fayard.fr/succes-damne-9782213661889
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