Comme on l’a vu les semaines passées, le mouvement pop est une histoire de jeunes, un mouvement jeune. Qui dit jeunesse, dit « tremblez les vieux » avec le lot de courants musicaux et de styles vestimentaires qui vont avec. Ce n’est pas nouveau que les générations les plus anciennes se plaignent que les jeunes générations font n’importe quoi, à croire que la mémoire s’efface pour certains et qu’ils ont oublié leur propre jeunesse…
Alors qu’actuellement, nous voyons systématiquement des aigris s’élever contre cet abus d’écrans, cette musique de m*****, ces jeunes qui « n’ont plus de respect« , il en était de même lorsque dans les années 50 apparurent les teddy boys, les mods, les rockers puis les skinheads, dans les 70’s, les hippies, les punks (on peut continuer longtemps). Plus ça change, plus c’est la même chose, disent les Anglais.
Pour l’instant, continuons notre chronologie pop et allons dans les années 50 et 60….
Les teddy boys, en Angleterre, ou blousons noirs en France, sont les descendants naturels des zazous de la Seconde guerre mondiale: swing, St Germain des prés, caves enfumées, jazz.
Cab Calloway chante « Zaz Zuh Zaz » qui donne le nom « zazou »:
Ils portent des vêtements de style dandy de la période edwardienne anglaise, d’où leur nom : « teddy » pour Edward.
Les « racailles » d’hier sont les blousons noirs (documentaire d’époque):
(allemand sous-titrage anglais):
Le rock est un exutoire. Mais les bagarres sont fréquentes. Les teddy boys affrontent régulièrement les autres communautés et autres clans dont les mods (les fameuses bagarres à Brighton). Le plus grand affrontement a lieu en 1964:
(images d’époque)
Le mod porte des costumes élégants, petite cravate, mocassins, et la parka militaire kaki. Les mods ont les cheveux courts (filles aussi) et surtout, se déplacent à scooter.
« Le Rock & Roll était considéré comme une musique de vieux, obsolète.
La musique qui attirait ces jeunes en ces premières années des 60’s était la noire américaine : Rythm & Blues, Soul (avec les productions primordiales de Tamla Motown et Stax), genres dont des clubs comme le Twisted Wheel Club à Manchester (selon les sources, le club le plus lié au mouvement Mods) avaient fait leur spécialité depuis quelques années en arrière, Modern Jazz (le son du quartier de Soho) et plus tard le Ska (ou Blue Beat comme il fut appelé à cette époque) étaient les styles qui les faisaient danser toute la nuit, boostés par une consommation effrénée d’amphétamines. » (source)
L’hymne des mods? « My generation » , the Who:
De leur côté, les Rockers, qui découlent directement des Teddy Boys, incarnent le contraire de cette culture « moderniste » . Ils sont habillés de cuir, se déplacent à moto, ont les cheveux gominés et écoutent Gene Vincent, Elvis Presley et tout le rockabilly blanc
Une autre tribu vient s’ajouter dès les années 60. Au départ proche des mods, les skinheads restent encore les plus controversés. L’image que nous en avons actuellement est celle de fascistes, racistes, hyper violents. Or, à la base, les skinheads sont proches des rude boys, ces descendants de l’immigration jamaïcaine qui écoutent du ska, du rock steady et du reggae.
Les skinheads 1ère génération sont métissés (on voit des skinheads noirs). Le sens de la boule à zéro est simple: elle souligne les origines prolétaires. Leur musique est le ska, le reggae et non les hymnes ultra violents auxquels on associe aujourd’hui les skins.
Paul Simonon, le bassiste des Clash: « J’ai grandi en même temps que le premier mouvement skinhead anglais, quand un skin était encore un fan de Reggae, obsédé par son image et absolument pas raciste. J’ai grandi parmi les jamaïcains, et ils m’en ont beaucoup appris sur l’élégance… Par exemple, si je mettais des bretelles, il fallait que dans le dos, elles descendent droit, le long de la colonne vertébrale (…) »(Les Inrockuptibles Hors Série, The Clash, p.45).
C’est le label Trojan (que je recommande) qui éditera le plus de classiques ska, reggae et rocksteady .
Parmi ces titres, celui-ci qui sera immortalisé en 79 par The Specials:
Le mouvement skin se divise entre « redskins » (gauchistes anti-fascistes) et « boneheads » (extrême-droite).

Frank Margerin
Comme on peut le voir, le style s’affirme comme une forme de révolte. Les mods, teddy boys, rude boys, rockers, skinheads nourrissent la contre-culture et font partie de la culture pop. De même que les hippies nés dans les années 70 et à la fin de celles-ci, les punks.
Il paraît étrange de parler de punk dans un article consacrée à la pop culture mais la culture punk, par ses codes (habits, marketing, slogans, jeunesse) répond pourtant à ceux de la culture pop.

Illustrations Frank Margerin
Résumé en musique et en images: