» Les anciens dieux sont puissants, mais ils ne sont ni bienveillants ni indulgents. ils sont capricieux, aussi instables que le reflet de la lune à la surface de l’eau ou les ombres au sol par temps d’orage. Si tu persistes à vouloir les invoquer, sois prudente : prends garde à ce que tu leur demandes et sois prête à en payer le prix. Et surtout, même si la situation est dramatique ou désespérée, ne prie jamais, au grand jamais, les dieux qui répondent à la nuit tombée. » Estelle Magritte – 1642 – 1719
Elle était prévenue, Adeline. Elle le savait par cette femme étrange de son village natal en France, un peu guérisseuse, un peu prêtresse sauvage, Estelle : on ne doit jamais rien demander aux dieux anciens. Surtout à la nuit tombée. Et pourtant, Adeline LaRue ne veut pas se marier, elle ne veut pas rester dans ce petit bourg paumé de la Sarthe, mener la même vie que son amie d’enfance Isabelle. Car au XVIIIème, quand on est fille de villageois, artisans, ou paysans (et cela durera encore longtemps), à part le mariage et les enfants, une vie de labeur, qui y-a t’il d’autre à envisager ?
Mais Adeline a envie d’autre chose. Elle veut être Addie, une jeune femme qui dessine, qui apprend, qui va aller jusqu’au Mans, tiens pourquoi pas ? Et peut-être plus loin, Paris, peut-être ! Pour cela, elle est prête à tout. Même à passer un pacte avec une ancienne divinité, un être qui répond à son appel dans un moment de désespoir, le soir de ses noces, un mariage qu’elle fuit. Un ancien dieu ou un diable, peut-être, lui apparaît, avec les traits de celui qu’elle dessine dans son carnet. Il est charmant et il lui accorde ce qu’elle veut. Très luciférien (« mais que désires-tu vraiment ? »), le diable adorable exige un paiement en retour (Faust, nous voilà !). Quoi donc ? Mais son âme, bien sûr.
V.E Schwab revisite donc le pacte faustien, dans un long (trop long) roman qui s’étend sur trois cents ans, suivant la jeune Addie, condamnée à rester jeune, mais à être toujours oubliée, invisibilisée. L’idée est intéressante mais bancale car parfois, on se demande jusqu’à quel point elle peut rester en vie puisqu’elle est tellement invisible. Or, la jeune femme a besoin de se nourrir, de se vêtir, de dormir. Elle souffre, saigne, etc… C’est donc toujours légèrement casse-gueule comme idée.
L’autre fil conducteur, à part les « aventures invisibles », est une suite d’oeuvres d’art (imaginaires) dans lesquelles apparaissent plus ou moins Addie au fil du temps. Là aussi, le concept est malin mais très peu développé à la fin, tant et si bien qu’on se demande en refermant le livre en quoi il a servi l’intrigue.
A ce sujet, d’intrigue, il n’y en a guère : Addie se contente de traverser rapidement l’Histoire avec un grand H. Elle survit, laisse peu ou pas de traces, ne peut pas nouer de véritables relations puisque tout le monde l’oublie aussitôt. Elle-même est un personnage assez volatile, inconsistant — et cela est totalement compréhensible et en accord avec le propos.
Le fil du passé ( ce qui est arrivé à Addie au cours des siècles) se juxtapose avec le présent (2014). Ici, les chapitres sont habilement interposés. L’intrigue du présent repose essentiellement sur une romance entre Addie et Henry, un jeune homme atteint de mélancolie ( dépression chronique, peut-on supposer). Henry présente la particularité d’être le seul personnage à remarquer Addie et à ne jamais l’oublier. Là aussi, il y a une raison (assez facile à deviner).
Quant au pacte en lui-même, on le retrouve régulièrement, grâce aux rencontres avec le beau démon, nommé Luc (pour Lucifer). Le personnage est un brin convenu (« bad boy » de l’enfer brun aux yeux verts qui va s’attacher à la damnée….mouais….).
J’avoue que j’avais beaucoup entendu parler de ce roman, en bien, voire en très bien. Au final, il se lit bien car le style est très agréable ( de belles descriptions d’une grande poésie) et puis, on a envie de savoir. Mais il est beaucoup trop long pour raconter ….pas grand chose, en fait. Ou alors, il s’agit peut-être d’un brillant exercice sur l’inconsistance et je ne m’en suis pas rendue compte, mince… (et alors, chapeau !).
Donc, pourquoi pas mais sans doute pas une priorité de lecture.
Résumé : Une nuit de 1714, dans un moment de désespoir, une jeune femme avide de liberté scelle un pacte avec le diable. Mais si elle obtient le droit de vivre éternellement, en échange, personne ne pourra jamais plus se rappeler ni son nom ni son visage. La voilà condamnée à traverser les âges comme un fantôme, incapable de raconter son histoire, aussitôt effacée de la mémoire de tous ceux qui croisent sa route.Ainsi commence une vie extraordinaire, faite de découvertes et d’aventures stupéfiantes, qui la mènent pendant plusieurs siècles de rencontres en rencontres, toujours éphémères, dans plusieurs pays d’Europe d’abord, puis dans le monde entier. Jusqu’au jour où elle pénètre dans une petite librairie à New York : et là, pour la première fois en trois cents ans, l’homme derrière le comptoir la reconnaît. Quelle peut donc bien être la raison de ce miracle ? Est-ce un piège ou un incroyable coup de chance ?Embarquée dans un voyage à travers les époques et les continents, poursuivie par un démon lui-même fasciné par sa proie… jusqu’où Addie ira-t-elle pour laisser sa marque, enfin, sur le monde ?