Premières lignes — 27 mars

Premières lignes

« Assis au bord de son lit, l’autre monstre fixait du regard le sol de sa cellule d’un blanc immaculé, les mains jointes entre ses genoux, une attitude qui aurait pu suggérer un certain désespoir. toutefois, chez ce prisonnier qui ne montrait ni peur, ni sentiment de culpabilité, ni doute, cela ne traduisait qu’une indifférence choquante, un ennui profond et sincère. Mais pas d’accablement non plus ; en fait, il semblait accueillir son incarcération comme une pause bienvenue dans l’exercice de plus lourdes responsabilités.  » (Démons invisibles)

Voilà déjà un moment que j’ai terminé « Emissaire des morts« , un beau pavé de 700 pages d’Adam Troy-Castro qui a l’originalité de regrouper les cinq premières aventures d’Andrea Cort  (nouvelles/novella et court roman)parues entre 2002 et 2016 en VO.  Andrea Cort est un personnage particulier : avocate, elle appartient au Corps diplomatique. Car, lorsqu’elle avait huit ans, elle a assisté et même participé à un massacre, suite à un dérèglement qui s’est produit sur la planète qu’elle habitait avec sa famille. Ce trauma la hante et la poursuit… Du fait qu’elle a pris part à cette tuerie, elle est devenue la propriété du Corps diplomatique et sa mauvaise réputation la précède où qu’elle aille.
Le reste est simple : on l’envoie sur une planète quand un crime a été commis. A elle de mener l’enquête sans faire de vagues et de trouver le ou les coupables tout en ménageant les susceptibilités de chacun.
Bien sûr, c’est sans compter le franc-parler d’Andrea qui a un certain problème relationnel et n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat. Mais, comme elle est dotée d’une prodigieuse intelligence, le corps diplomatique a besoin d’elle.
On la suit donc au fil  des affaires suspectes qu’elle va devoir démêler  sur des planètes et/ou des satellites situés loin de son lieu de résidence, le monde-cylindre de La Nouvelle-Londres.
J’ai lu les nouvelles dans l’ordre chronologique (la présentation de l’éditeur) en faisant des pauses puis en y revenant et j’ai réellement apprécié cet univers où nous croisons diverses espèces ( les Riirgaan, les Tchi, les Busteeni et les IA-source, par ex). Les situations qui mènent à des rencontres ou des confrontations sont exemptes de bon gros manichéisme de type : les vilains/les gentils, ce qui est hautement appréciable.
Toutes les nouvelles se lisent aisément mais, à partir de « Les lâches n’ont pas de secret » (« The Coward’s Option » ), le propos se complexifie et, à mon avis, n’en est que meilleur. (j’ai vraiment commencé à accrocher à partir de celle-ci). Ce qui suit est une montée en puissance qui démontre le talent de Troy-Castro . « Démons invisibles » (« Unseen Demons » ) explore le thème du monstre, un thème récurrent comme on pourra le constater (qu’est-ce qu’un monstre ? qui est le monstre ? où se cache-t’il ? etc, etc…).
« Emissaires des morts » (« Emissaries from the dead ») est une vraie réussite qui tient en haleine du début à la fin.
Pour conclure, même si j’ai eu quelques réticences avec les répétitions (le personnage qui se mordille l’ongle ! argl ! ) mais aussi, pendant un temps, avec  le fait de revenir constamment sur le massacre de Bocai sans vraiment l’expliciter (ce sera fait, j’ai respiré – d’où l’importance de lire « Emissaire des morts »), j’ai vraiment apprécié ma lecture. Je suis même partante pour la suite des aventures d’Andrea Cort (« La troisième griffe de Dieu« , chez AMI, toujours).
Je ne peux que conseiller cette SF intelligente et bien menée.

Résumé : Alors qu’elle était enfant, Andrea Cort a été témoin du massacre de ses parents. L’instant d’après, dans la folie d’un génocide incompréhensible, car frappant deux espèces qui vivaient jusque-là en parfaite harmonie, elle a rendu coup pour coup. Reconnue coupable de crime de guerre, elle est devenue la propriété perpétuelle du Corps Diplomatique où, très vite, elle s’est révélée être une enquêtrice particulièrement douée. En effet, qui pourrait mieux comprendre les monstres qu’une des leurs ?

 

Emissaires des morts  par Castro

 

Parution : 6 janvier 2021
26.9 €
720 pages
Format : 14 x 20,5 cm
EAN papier : 9782226443700

 Émissaires des morts | Andrea Cort T.1

 

 

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Premières lignes – 20 mars

Premières lignes (et c’est le printemps)

 

 » Une pièce d’argent pour un conte en or.
C’est de cette manière que les histrions et les poètes apostrophent les passants. Il est rare qu’ils obtiennent plus d’une pièce de cuivre, mais la formulette est pour ainsi dire traditionnelle. Elle existait avant que leur congrégation déambule dans les rues avec un bandeau sur les yeux, avant les maisons. Certains disent avant même la création de la Cité. « 

 

Capitale du sud, tome 1 : Le Sang de la cité par Chamanadjian

Le sang de la cité est un premier volume et, originalité, non  seulement celui d’une trilogie Capitale du Sud mais d’une double trilogie. Son pendant est consacré à la Capitale du Nord et écrit par Claire Duvivier ( Un si long voyage). On peut dire que les éditions Aux Forges de Vulcain nous gâtent.
Guillaume Chamanadjian se consacre donc à Gemina,  assez inspirée de l’Italie. Dans cette cité-état,  de grandes Maisons aux noms d’animaux sont installées dans de vastes quartiers qu’elles n’entendent pas partager. Et tout débute par un retour en arrière ; une guerre gagnée par la Maison de la Caouane (la tortue). Le Duc Serviant la gagne et anéantit le Souffleur. Il  délivre aussi deux orphelins dont nous allons suivre la vie : Nox (pour Nohamux) et Daphné. Les deux enfants deviennent les protégés du Duc pour servir ses intérêts politiques.
Mais, comme dans L’assassin royal ou dans le Cycle de Syffe, nous ne l’apprendrons qu’au fil du livre puisque nous suivons essentiellement le parcours et le point de vue de Nox — et ses pérégrinations au sein de la Cité. C’est bien là la grande force de ce roman qui mêle les courses de Nox dans les ruelles, ses expériences culinaires (savoureuses). La Cité est particulièrement vivante avec les parfums, les saveurs, les dialogues.
On ne se perd pas dans des descriptions à n’en plus finir ou dans des considérations sur le pouvoir ; on vit ce qui se trame, on suit les pas de Nox ( une grande force du « show don’t tell » une fois de plus).
J’ai apprécié ce roman jusqu’au bout ; une fois plongée dedans, je ne pouvais plus en sortir…

Une vraie réussite et, pour moi, l’un de mes coups de coeur de cette année.

 

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Premières lignes — 16 mars

Premières lignes

(en retard , pour cause de chamboulement émotionnel — mais j’ai réussi à lire quand même)

Grèce en des temps anciens

— Réellement, tu ne connais pas cette histoire ? Elle fait la fortune des tous les aèdes… Je ne crois pas qu’une seule cité n’en ait pas entendu parler. Si tu le désires, je peux te la conter. Tu n’as rien à perdre, pas vrai ? Et rien à faire d’autre en attendant que nous arrivions… Alors, écoute…
 » Ce conte viendrait d’Ilion, de l’autre côté des mers, la porte de l’Orient. il y a là-bas de nobles cimes qu’on appelle les monts Ida. Leurs flancs sont tapissés d’herbe grasse où les moutons paissent joyeusement. Le vent murmure dans les bois, l’eau chuinte parmi les herbes. Il y a là un berger qui somnole à l’ombre en ces heures chaudes de la journée, un jeune et bel Ilien … »

Je me suis (encore) laissée séduire par une réécriture de la guerre de Troie. Je crois que je ne m’en lasserais jamais. De Michel Honaker, j’ai déjà lu plusieurs romans et toujours été satisfaite, voire embarquée (des romans « pour la jeunesse ») ; ainsi, la très bonne série Terre noire, par exemple, qui se passe en Russie au début du XXème siècle. mais j’ai surtout apprécié sa version de l’Odyssée, avec sa vision d’Ulysse. Michel Honaker a également écrit une histoire d’Hercule vraiment bien ficelée, toujours axée sur les personnages.
J’étais donc ravie de partir pour Troie et même si je connais l’histoire par coeur, je me suis régalée.  C’est toujours intéressant de voir comment chaque écrivain ou écrivaine trouve des personnages sur lesquels se focaliser et s’y attache (Ulysse, pour Honaker; Cassandre pour MZ. Bradley ; Patrocle/Achille pour Madeline Miller; Andromaque  pour David Gemmell).
Bref, un autre roman jeunesse, bien documenté, très agréable à lire que je recommande .

Résumé : Scandale en Grèce : le prince troyen Pâris a enlevé la belle Hélène de Sparte, tout juste mariée au roi Ménélas. Afin de laver l’affront, toutes les cités de Grèce s’assemblent en une invincible armada. En vue : les immenses remparts de Troie, qu’elles se promettent d’abattre en quelques semaines. La guerre se prolongera pendant dix ans. Une décennie de ruses, de combats, de provocations et d’impitoyables négociations… C’est à cette épopée millénaire, mère de la littérature européenne, que nous convient, à près de 3 000 ans d’intervalle, Homère et Michel Honaker.

Iliade par Honaker

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Arts d’hiver — 36

Ana Godis est une jeune artiste ukrainienne spécialisée dans l’illustration (particulièrement digitale).  Elle vivait à Odessa encore récemment (elle est réfugiée en Roumanie).
Je suis ce qu’elle fait depuis pas mal de temps maintenant, principalement sur Instagram .  Je dois dire que j’avais complètement craqué pour la façon dont elle dessine ses personnages (les fan art de Harry Potter ont beaucoup contribué à mon coup de coeur, au début). Je pensais parler d’elle bien avant que la guerre n’éclate et j’avais  donc déjà préparé  mon article pour ce mois-ci — étrange coïncidence. Me voilà en train de devoir le dé-programmer à cause de la terrible actualité… J’aurais préféré parler d’art et non de guerre, de bombes ou d’artistes devant fuir leur pays. Bref, de l’art tout de suite.

 A noter : on peut aider Ana qui est partie à toute vitesse d’Ukraine mais qui publie toujours sur Insta, en contribuant à son Patreon  

 

 

 

 

 

 

 

 

Le bonheur d’écrire – Elise Valmorbida

 « Résumé : Découvrez comment l’écriture créative peut embellir votre vie. Cet ouvrage, imaginé par une autrice primée et professeure d’écriture créative, vous propose 100 amorces, réflexions et exercices. Ils vous feront découvrir comment l’écriture créative – être expressif, explorer des idées, fabriquer des mots, façonner des histoires – peut aussi vous rendre heureux. »

Le bonheur d'écrire par Valmorbida

Avec ce livre, j’ai la chance de pouvoir parler d’un sujet agréable — non négligeable par les temps qui courent– et qui me tient à coeur : l’écriture.
Car Elise Valmorbida enseigne l’écriture créative (creative writing )et a rassemblé ici le fruit de ses 20 années d’expérience. Si l’écriture créative existe depuis longtemps dans le monde anglophone avec des cursus universitaires, elle est beaucoup plus récente pour nous en France et à l’université, elle ne fait qu’une percée timide pour le moment.

Dans ce livre, l’autrice ne propose pas des recettes-miracles, ni des leçons « comment écrire un roman en… », et heureusement. Elle offre des pistes de réflexion, ouvre des voies pour, en premier, libérer toute personne qui a envie d’écrire (et peu importe le genre d’écrits). Puis, elle continue avec des exercices plus ciblés (dont certains que je vais garder pour les utiliser). Entre-temps, elle encourage, donne des idées, des pistes de réflexion, des axes de pensée. C’est à la fois intéressant, pas naïf, ni compliqué mais toujours bien fait. On peut y piocher comme on veut, au fil des pages, dans les chapitres (100 en tout) ce que l’on souhaite ou tout lire à la suite. Je me suis laissée prendre au jeu et, vraiment, je vais retenir et noter plusieurs phrases/exercices quand je suis dans le doute ou quand je galère.

 

 

 

Exercice tout simple pour les dialogues : les lire à haute voix (ça fonctionne)

 

 

Bref, une lecture pour toutes les personnes qui écrivent ou qui veulent écrire (et pas seulement des romans).

« si vous voulez être écrivain, alors écrivez » 

Merci à Babelio Masse Critique et aux éditions Pyramyd