« Comme il remonte la Cinquième Avenue à minuit, Spofforth se met à siffler. Il ignore le nom de l’air, et il ne s’en soucie guère ; c’est un air air compliqué, un air qu’il siffle souvent lorsqu’il est seul. Il est torse nu et ne porte pas de chaussures ; il a pour unique vêtement un pantalon kaki. Il sent sous ses pieds la surface usée des vieux pavés. Bien qu’il avance en plein milieu de la vaste avenue, il distingue les hautes herbes et l’ivraie qui, de chaque côté, ont poussé aux endroits où les trottoirs, depuis longtemps fissurés et défoncés, attendent des réparations qui ne se feront jamais. »
A ne pas confondre avec le classique « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » (qu’il faut lire, d’ailleurs), L’oiseau moqueur, dystopie de Walter Tevis, l’auteur du Jeu de la dame est un très bon roman, qui rappelle par ses thèmes 1984, Farenheit 451 ou Le meilleur des mondes. On pensera également à la série des Robots d’Asimov.
En effet, depuis des siècles, les êtres humains ont perfectionné les robots et ont fini par leur confié la planète/ le pouvoir/leurs vies. Plus de guerres, plus de pauvreté, plus de famines…Tout le monde est heureux et vit sous l’influence de drogues (très Le meilleur des mondes, là, même si ce n’est pas le soma qui est consommé mais les sopors). Fini les problèmes dus à l’attachement, à la famille, aux liens : une loi régit ce qui touche à l’intimité. L’amour, non, ça n’existe plus mais il reste la pornographie (« sexe vite fait, bien fait »). Le travail manuel et technique a été confié aux robots/androïdes. Ou aux prisonniers sous les ordres des robots. Car, oui, désobéir équivaut à des travaux forcés et à l’emprisonnement. Il est hors de question de se rapprocher des autres, de se regrouper ou de vivre en couple. D’ailleurs, la procréation est inutile : tout le monde avale des contraceptifs sans le savoir depuis des années.
Les efforts intellectuels appartiennent au passé. Les maximes du type » Pas de questions, relax », « Dans le doute, n’y pense plus » régissent la vie des humains qui paraissent vivre comme sortis de Brazil, le film. Décidément, le début des années 80 (1981 pour le roman, 1985 pour Brazil) envisageait le futur de la même façon. Et parfois, tout ça résonne étrangement en 2022…
Car les écrans ne sont pas bannis : même s’il s’agit de télé, ils sont envahissants et diffusent des programmes totalement ineptes…
Et les livres ? A l’inverse de Farenheit, ils existent toujours mais plus personne ne sait lire. On a oublié.
Jusqu’au jour où un homme, Paul, professeur à l’université, propose ses services au doyen Spofforth car il a appris à lire tout seul dans un livre trouvé par hasard (les livres ne sont pas si bien cachés que ça, ils sont oubliés). Robert Spofforth est le doyen de l’université mais c’est le chef, disons-le : il dirige le monde. C’est le robot le plus perfectionné qui existe, un classe 9. C’est aussi le clone d’une humain qui a vécu il y a longtemps et dont il voudrait retrouver les souvenirs enfouis.
Mais Spofforth n’est pas humain ; il ne peut pas se reproduire, il ne peut pas mourir non plus. Il va exercer son pouvoir : il refuse que la lecture soit enseignée, ce serait un crime. Il demande à Paul Bentley de décrypter les textes qui figurent sur de vieux films muets.
La vie de Paul change.
Il se prend au jeu. Découvre des concepts. Et quand il finit par rencontrer Mary Lou, une femme étrange qui habite dans le zoo, sa vie bascule. Celle de Mary Lou aussi. Celle de Spofforth, on le verra ensuite, va changer.
Ce roman est brillant de bout en bout : suivre les personnages, leur apprentissage, leur évolution.
Il y a peut-être quelques longueurs vers le milieu avec un événement qui casse le rythme mais je n’ai pas trouvé cela très gênant.
J’avais beaucoup apprécié le Jeu de la dame, eu plus de mal avec L’homme tombé du ciel mais j’ai retrouvé l’alchimie qui m’avait attirée dans le 1er dans celui-ci. De la bonne SF
« J’éprouvais un certain plaisir à découvrir les choses que les livres pouvaient dire à l’intérieur de mon esprit… Je ne me suis arrêté qu’après avoir appris tous les mots des quatre livres. Plus tard, j’ai mis la main sur trois nouveaux livres, et ce n’est qu’alors que j’ai vraiment su que l’activité à laquelle je me livrais s’appelait « lire ». «
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