» Mars 1942 –
la pièce était fermée depuis une semaine ; le store de calicot à la fenêtre sud donnant sur le jardin de devant avait été baissé ; une lumière couleur parchemin baignait l’air froid et confiné. Polly gagna la fenêtre et tira le cordon . Le store se releva dans un claquement sec et la pièce s’éclaircit pour se parer d’un gris sans chaleur, plus pâle que le ciel tourmenté envahi de nuages. Elle demeura un moment à la fenêtre. Des touffes de jonquilles se dressaient avec exubérance sous le désespoir des singes , attendant d’être noyées et malmenées par les giboulées de mars. Elle alla à la porte et poussa le verrou. La moindre interruption serait insupportable. «
Elizabeth Jane Howard a un talent de grande conteuse ; avec sa saga des Cazalet, elle poursuit la fresque de la famille étendue durant la Seconde guerre mondiale, en Angleterre.
Au cours du second tome, bien nommé en français A rude épreuve, nous avons suivi les trajectoires des trois frères Cazalet : Hugh, l’aîné, blessé lors de la 1ère guerre mondiale, travaille dans l’entreprise familiale avec ses deux frères, et a perdu son grand amour et femme Sybil d’un cancer. Le couple a eu trois enfants, Polly, Simon, et le dernier, William (Wills) né avant-guerre. Polly, l’aînée, va prendre son indépendance dans le tome 3. Elle est devenue très amie avec sa cousine, Clary, fille de Rupert, le plus jeune des frères Cazalet. Rupert était peintre et a décidé sous l’influence de sa jeune épouse Zoé, de renoncer à sa carrière peu rémunératrice pour prendre des responsabilités dans l’entreprise de bois. Il est le père de Clary et Neville, dont la mère est décédée il y a longtemps et de Juliet, qu’il a eue avec Zoé. Mobilisé durant la seconde guerre alors qu’il était trop jeune lors de 14-18, il est bientôt porté disparu.
Edward, le plus fidèle à la tradition familiale, chef d’entreprise est marié à Viola (Villy) et la trompe largement depuis des années. Mais il a une maîtresse cachée et régulière, Diana. Il est mobilisé aussi mais ne participe pas aux combats. Il est le père de Louise, qui vient de se marier à Michael, un portraitiste à succès plus âgé qu’elle, de Teddy qui finit sa scolarité, de Lydia et du petit Roland.
Enfin, Rachel est la seule fille. Elle n’est pas mariée et s’occupe des « anciens », la Duche, sa mère et les deux soeurs de celle-ci, ainsi que du Brig, sonpère des trois frères, devenu aveugle mais ne voulant pas perdre pied ; il compte sur sa fille pour tout. Rachel est habituée à rendre service aux autres, au détriment de sa santé et de sa vie personnelle. Elle est amoureuse de Sid, son amie mais n’a jamais su braver sa famille pour s’installer avec elle.
La famille Cazalet est aisée et a l’habitude d’avoir des domestiques qui ne sont plus très nombreux avec la guerre.
Le tome 3 » Confusion » s’ouvre en 1942 et va se concentrer sur « les filles » : Clary et Polly habitent Londres et désirent prendre leurs distances avec les habitudes familiales. Louise se retrouve totalement à la merci de son mari, qui n’est pas si charmant que cela, et de sa belle-mère, une affreuse manipulatrice. Elle a 19 ans et elle est enceinte. Elle peut dire adieu à sa carrière d’actrice. Très vite, elle découvre que la vie de maman au foyer ne lui correspond pas mais ne sait pas comment se sortir de ce guêpier. Elle va aller de désillusion en espoir…
Zoé ne se sent guère mieux ; elle n’a reçu qu’un mot de Rupert, preuve qu’il est encore vivant, en France. Puis, plus rien. Elle le croit mort et finit par tomber amoureuse d’un américain…
Clary attend son père, elle. Elle a déjà perdu une mère, elle veut croire son père encore en vie. Peu à peu, elle s’accroche à l’amitié d’Archie, cet ami de son père un peu plus jeune.
Sid attend Rachel qui ne se décide toujours pas et elle finit par nouer une relation avec une jeune femme. Pourtant, elle déchante vite…
Edward s’attache de plus en plus à Diana qui est tombée enceinte. Le mari de celle-ci est tué au combat et Diana accouche d’une petite fille? Mais Edward ne se résout pas à parler à Villy…
Confusion, toujours.
Ainsi se passent ces années jusqu’après le débarquement.
Elizabeth Jane Howard choisit de mettre l’accent sur certains personnages — et je l’ai soupçonnée d’avoir des préférences (je la soupçonnais depuis le 1er tome, d’ailleurs). Clary, forcément, mais aussi Archie qui est le dépositaire des secrets de tout le monde, Louise, malmenée par les événements ; Zoé, à petites touches et, bien sûr, Rachel.
On passe un formidable moment avec ce troisième tome, très abouti, qui fait attendre le quatrième avec impatience.