Premières lignes – 28 mars

Premières lignes 

« Bobby Spencer – c’était le nom qu’il utilisait dans le coin – marchait dans la rue. Il était à peine plus qu’un garçon, mais dans le Delta,  on devenait vite un homme. Il était déjà bien assez vieux pour faire danser les juke joints toute le nuit, et sa réputation ne faisait que croître. Les invitations se multipliaient et on le payait de mieux en mieux. »

C’est le titre qui m’a attirée en premier : Crossroads. 
A la croisée des chemins, un bluesman fait une étrange rencontre qui va changer sa vie, son destin et le faire entrer dans la légende de la musique. Si ça ne vous dit rien, c’est la fameuse histoire du « pacte » conclu avec le diable qui tourne autour de Robert Johnson,  désigné alors comme fondateur du blues, du rock, et du Club des 27, tout ça malgré lui.
De lui, il reste quelques enregistrements effectués en 1936 et 37 : 29 exactement, pas une chanson de plus. Robert Johnson décède en 1938.
Sur ce thème, l’auteur québécois Hervé Gagnon a imaginé un thriller fantastique. Il y est question d’une mystérieuse boîte contenant des affaires laissées par Johnson et transmises étrangement à deux professeurs d’université : un homme blanc et une femme noire, tous les deux fans de blues.
Il y est aussi question de hoodoo, de sorts et donc du fait d’y croire ou pas. On oscille un bon moment entre réel et surnaturel avant que l’auteur prenne un parti-pris qui fait tout basculer (vers le fantastique, pas le meilleur du roman).
Si j’ai apprécié la progression de l’intrigue, bien ficelée, les personnages m’ont paru quand même rester dans un cliché « coup de foudre » un peu niais ou trop sexualisé (on s’en fiche vraiment de savoir ce que ces deux-là font au lit, en fait).
Pour le reste, quelques américanismes sont légèrement redondants, en particulier les insultes. En fait, je n’en pouvais plus de lire « f***k me with… » à chaque fois que l’un des personnages jurait. Une fois ou deux, passe encore, mais pas tout le temps !
De même, je ne vois pas trop l’intérêt de ne pas traduire « pawn shop » : une boutique de prêteur sur gages, ça existe en français, même si ça ne sonne pas pareil.
Je n’ai rien à redire sur certaines expressions québécoises, légèrement différentes des françaises : elles m’ont paru très compréhensibles.
En fait, je suis restée accrochée au livre parce que je voulais savoir, donc, pari réussi ! Tout ce qui est en lien avec la musique est excellent et bien documenté. De ce côté-là, j’ai vraiment apprécié. De même, les rituels de hoodoo (pour conjurer les mauvais sorts) m’ont fait penser à ceux pratiqués dans les Antilles françaises (mêmes origines africaines).
En fait, malgré les imperfections du roman, j’ai passé un bon moment, l’aspect fantastique étant bien amené (brrrr). Et je ne vous dirais pas ce qui se cachait au carrefour des routes, finalement.

Crossroads par Gagnon

 

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Premières lignes – 21 mars

Premières lignes 

 » Si vous ne lisez qu’un document parmi ceux que nous avons envoyés, que ce soit celui-ci. Je vous le demande en sachant fort bien que je déroge à mes convictions profondes. c’est dans les rapports que se trouvent nos conclusions scientifiques, et c’est ici la science le plus important, de loin. Mon équipage et moi sommes secondaires. Tertiaires, même.
Malgré tout, il est capital pour nous que quelqu’un reçoive ceci.

Ne vous pressez pas. Ce fichier aura mis quatorze ans à atteindre la Terre et, si nous avons la chance que quelqu’un le lise immédiatement et réponde sans tarder, il repartira pour quatorze autres années. Donc, bien que nous ne puissions pas attendre éternellement, l’urgence est ici relative, comme souvent dans les voyages intersidéraux.
Vous pourriez lire la fin directement, c’est vrai. Vous ne seriez pas le premier et, honnêtement, c’est là que se trouvent les observations les plus lourdes de conséquences. Et peut-être, si vous savez déjà qui nous sommes et ce que nous faisons, si vous êtes de ceux qui nous ont envoyés ici, vous comprendrez quand même. Pourtant, je pense que le pourquoi de notre requête est important. Naturellement, je ne suis pas objective, et pour deux raisons : non seulement ce rapport parle de mon équipe et de moi, mais nous sommes des scientifiques. Les pourquoi sont notre raison d’être.
Cela fait cinquante ans que nous avons quitté la Terre, et je ne sais pas quels yeux et quelles oreilles mon message a trouvés. J’ignore à quel point une planète peut changer en l’espace d’une vie. « 

Je ne vais pas le cacher : j’aime ce qu’écrit Becky Chambers et ceci depuis L’espace d’un an. On qualifie souvent sa SF de « positive » ou solar punk  ; oui, et tant mieux. Je n’avais pas encore eu l’occasion de lire Apprendre si par bonheur, une très (trop) courte novella sous forme de journal écrit à la 1ère personne. Le titre qui m’intriguait (To be taught, if fortunate) est une citation de l extrait d’un message du  secrétaire général de l’ONU envoyé  à bord de la sonde Voyager, en 1977.
Nous suivons un petit équipage, au début du XXIIème siècle, constitué d’une poignée de scientifiques, en mission d’exploration. Ils et elles vont se poser sur différentes exo planètes où la présence de la vie a été détectée.  Le journal est écrit pat Ariadne O’Neill, ingénieure de vol. Elle sait qu’ils doivent attendre de nouvelles instructions en provenance de la Terre dès que leur mission sera accomplie. Mais, de nombreuses années se sont écoulées sur Terre… Absorbé par leur travail sur les différentes planètes, l’équipage ne se rend pas tout à fait compte du temps qui passe ni du fait que…plus personne ne les informe. La Terre ne répond plus !

Ce petit ouvrage est à la fois instructif sans être pénible (l’autrice explique comment elle a récolté ses informations scientifiques à la fin), et reste un bijou de délicatesse comme Chambers sait les concocter. Le reproche que je peux faire, c’est la longueur : j’aurais tellement aimé lire un texte plus long…

Apprendre, si par bonheur... par Chambers

 

Je vais pouvoir le rajouter au Challenge de l’Imaginaire qui, pour moi, n’avance pas beaucoup cette année, fatigue et panne de lecture assez présentes.

 

 

 

Photo, dessin et création

A propos d’art, de processus créatif, de mes projets actuels:

Ley.Arts

Je fais toujours des photos, enfin, quand j’ai des sujets et quand le temps le permet, mais en ce moment, je suis surtout prise par d’autres projets. L’un concerne une bande dessinée que je suis en train de créer à partir de : mes photos, mes dessins et avec l’aide de l’intelligence artificielle (Midjourneyet Stable Diffusion). J’avais parlé sur mon autre blog de mes essais ces derniers mois avec l’IA. 
Ayant commencé en septembre ou octobre, j’ai eu le temps de m’améliorer 😉

Si ça vous tente, vous pouvez voir ce que je fais sur mon compte Deviant Art, voilà le lien ici

Et la BD ? 

Il y a fort longtemps, étant ado, je dessinais, en amatrice, des petites BD et j’ai toujours aimé ça. La preuve, à l’école primaire quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard comme métier, je répondais « dessinatrice de bandes…

Voir l’article original 354 mots de plus

Premières lignes – 1er mars

 

Premières lignes 

 » Nous ne voulons pas que le talent soit une fiction.
Nous sommes obstinément persuadés que certains facultés tiennent d’une poignée d’humains au-dessus de la moyenne, d’un hasard extrêmement rare, ou d’un grâce divine, pour ceux d’entre nous qui y croient. Le talent est perçu comme un don rare, mystique, réservé à quelques élus, qui pourraient l’exploiter pour créer des chefs-d’oeuvre sans effort. « 

 

J’avais repéré cet essai grâce à une émission TV : l’autrice, docteure en neurosciences, expliquait clairement, par exemple, que certaines théories prônaient la pratique  à tout prix qui permettrait « d’accéder au talent » . J’en avais entendu parler : 10 000 heures de pratique permettraient à n’importe quelle personne de développer une expertise dans un domaine. J’avoue que j’ai toujours trouvé ça un peu louche…
J’étais donc curieuse de savoir où en étaient les recherches dans le domaine.

Le livre de Samah Karaki est découpé en trois grandes parties qui explorent différentes pistes. La première s’attache à la thèse qui voudrait que le talent ne soit dû qu’à la génétique (héritage génétique ou socio-économique ? l’influence de la culture sur les apprentissages, la racialisation  et, enfin, le problème des tests de QI ).
on s’en doutait : les gênes, seuls, n’expliquent pas le talent. On apprend aussi qu’il existe plus de probabilités de « réussir » lorsqu’on grandit dans des conditions favorables.
Mais l’autrice tient à parler de l’importance du travail, de la pratique. Après tout, la notion d’effort doit bien contribuer à quelque chose, non ? Il y a dans ce long chapitre des éléments très intéressants. Je ne vais pas le résumer mais on comprend, entre autres, que ce n’est pas tant la quantité du travail fourni (les fameuses 10 000 heures) mais la qualité qui importe. C’est évident ? Et bien, pas pour tout le monde, pas dans l’univers de la réussite, apparemment.
Enfin, l’autrice aborde l’effet des prophéties auto-réalisatrices et des croyances : sur la perception de l’effort et de l’échec.
Finalement, en fin d’ouvrage, c’est la notion même de réussite qui est à remettre en question (scolaire, professionnelle), non pas comme un appel à laisser tomber les efforts ou la ténacité, ni même le développement des connaissances mais comme celui à reconnaître que nous sommes divers, complexes, avec des ambitions différentes. L’accent devrait alors être mis sur un changement du système scolaire et même professionnel qui vise toujours l’excellence de la même manière, et reste peu adapté aux intelligences diverses qui sont les nôtres.

Je vous invite à découvrir cet essai dense, parfois ardu et  très bien documenté que je n’ai fait que survoler ici.

(merci aux éditions JC Lattès et Babelio)

Le talent est une fiction par Karaki

 

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