David Griesselest un artiste sud-africain, né en 1990 . Il illustre des livres et expose des oeuvres en Afrique du Sud et aussi en France.
David Griesselest un artiste sud-africain, né en 1990 . Il illustre des livres et expose des oeuvres en Afrique du Sud et aussi en France.
Chidinma Nnoli est une artiste née en 1998 au Nigéria. Elle est diplômée de l’université du Bénin et a exposé principalement au Nigéria. Sa première exposition personnelle a été inaugurée en mars 2021 à Lagos
« Faisant référence à des symboles et à des images tirés du christianisme, son travail tend un miroir à une société profondément religieuse, patriarcale et pleine de préjugés, qui semble vouloir abuser des femmes et les opprimer en permanence. L’œuvre de Chidinma Nnoli nous emmène également plus loin, vers des scènes de compagnonnage et de soutien qui font référence à ses propres expériences personnelles où elle a trouvé réconfort et libération dans une communauté de femmes partageant les mêmes expériences. L’exposition explore l’idée d’une communalité fondée sur des valeurs communes, une communalité qui permet des imaginations nouvelles et diverses de soi et une exploration de l’inconnu. » (source)
Premières lignes (en retard, mais premières lignes quand même)
« Aster retira de sa trousse deux scalpels pour les faire tremper dans une solution désinfectante. Ses doigts tremblaient à cause du froid, et elle peinait à tenir ses instruments ; ils lui échappèrent et tombèrent avec un ploc disgracieux dans l’épais liquide. dans dix minutes, elle allait amputer le pied grangréneux d’un enfant. «
Ce premier roman de Rivers Solomon, An Unkindness of Ghosts ( 2017) traduit en français par Francis Guévremont sous le titre L’Incivilité des fantômes ( Aux Forges de Vulcain ) a été remarqué et souvent salué favorablement, surtout en raison des thèmes qui y sont abordés :
la domination d’une partie de la population du vaisseau regroupée sur les « hauts ponts » sur une autre (les « bas-ponts), oppression liée à la couleur de peau ( pour résumer : la domination blanche, particulièrement celle des hommes) ; la violence et la ségrégation ; la notion de genre ; et la perception interne du handicap ( autisme Asperger ).
Le roman se déroule à bord d’un immense vaisseau spatial, une arche générationnelle, un thème bien connu en SF ( Croisière sans escale — Brian Aldiss ; Les orphelins du ciel — Robert Heinlein ; et toutes ces représentations dans les séries TV plus proches de nous). Le Matilda, nommé en référence au dernier bateau négrier le Clotilda à avoir accosté aux USA, est en route depuis plus de 300 ans pour une planète qui accueillera enfin les rescapés d’une Terre mourante. Nous n’en saurons pas plus, ni des conditions de l’extinction de la Terre, ni de l’époque, ni de rien d’autre, d’ailleurs (et c’est là que ça commence à être faible mais j’y viens).
A bord, comme dans le Transperceneige, on trouve différents ponts répartis de A à Z : une élite, sociale, politique, économique, religieuse et blanche se situe dans les « hauts ponts. Les ponts inférieurs sont occupés par ce qu’on pourrait appeler des esclaves, une population noire, exploitée, laissée sans soins médicaux, sans confort, violentée, etc…
Ponts, vaisseau, tout cela rappelle les navires négriers.
Petit aparté personnel (vous pouvez sauter le passage): je sais de quoi je parle, j’habite à Nantes, une ville dont une certaine « élite » riche et blanche a prospéré en affrétant des navires négriers. Enfant, j’ai été sensibilisée — et été horrifiée — par ce que je voyais/lisais à la section du musée qui est consacré au commerce triangulaire. Donc, les récits de torture, viols et autres atrocités commises durant cette période ne me sont pas (hélas) inconnus. Sans oublier qu’une partie de ma famille vient des Antilles françaises et pas de la partie des propriétaires blancs, au contraire.
Je clos la parenthèse pour dire que je n’ai rien lu de neuf, ici. Rien et surtout pas de fiction. Je ne dis pas qu’il ne faut pas l’écrire pour continuer à le dénoncer. Je dis simplement qu’il s’agit d’une transposition sans nuances et sans finesse. Même en voulant faire du « coup de poing », c’est à peine bien fait. C’est répétitif, et surtout, au bout du compte, on se demande : quel est l’intérêt pour l’intrigue ?
Mais voilà où se situe le principal défaut du livre : l’intrigue.
Je veux bien excuser de petites faiblesses si on me raconte une histoire.
Le personnage d’Aster, femme noire, rebelle, autiste, aux caractéristiques transgenres, paria parmi les autres pourrait être intéressant. Sa recherche des origines, même si elle est un peu tirée par les cheveux, m’aurait intéressée, si l’auteur.ice ne l’avait pas laissée tomber au beau milieu du roman. Aster cherche ce qui est arrivé à sa mère, Lune, qui aurait découvert un grand secret.
Et, au final, tout retombe.
J’en ressors assez mitigée, au final.
Certains passages sont tout à fait bouleversants, d’autres carrément inutiles (et alors, j’ai décroché tellement c’était ennuyeux). Il n’y a pas assez de construction pour donner un semblant de cohérence, pas assez de SF non plus. On a l’impression d’avoir un brouillon entre les mains et non la version finale.
Bref, je me dis que ce roman n’est pas pour moi et qu’il profite sans doute mieux à d’autres. Mais, au moins, je l’aurais lu….
Résumé :
Aster est une jeune femme que son caractère bien trempé expose à l’hostilité des autres. Son monde est dur et cruel. Pourtant, elle se bat, existe, et aide autant qu’elle le peut, avec son intelligence peu commune, ceux et celles qu’elle peut aider. Mais un jour, un type la prend en grippe. Et Aster comprend qu’elle ne peut plus raser les murs, et qu’il lui faut se tenir grande. Sa rébellion est d’autant plus spectaculaire qu’elle est noire, dans un vaisseau spatial qui emmène les derniers survivants de l’humanité vers un éventuel Eden, un vaisseau où les riches blancs ont réduit en esclavage les personnes de couleur. Un premier roman qui prend pour prétexte la science-fiction pour inventer un microcosme de l’Amérique, et de tous les maux qui la hantent, tels des fantômes.
Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :
• Au baz’art des mots
• Light & Smell
• Les livres de Rose
• Lady Butterfly & Co
• Le monde enchanté de mes lectures
• Cœur d’encre
• Les tribulations de Coco
• Vie quotidienne de Flaure
• Ladiescolocblog
• Selene raconte
• La Pomme qui rougit
• Les lectures d’Emy
• Aliehobbies
• Ma petite médiathèque
• Pousse de ginkgo
• À vos crimes
• L’univers de Poupette
• Le parfum des mots
• Chat’Pitre
• Les lectures de Laurine
• Lecture et Voyage
• Eleberri
• Les lectures de Nae
• Claire Stories 1, 2, 3
• Tales of Something
• Read For Dreaming
• Ju lit les mots
• Illie’z Corner
• Voyages de K
• Prête-moi ta plume
• Les lectures de Val
• Le petit monde d’Elo
Premières lignes cette semaine après un petit break pour causes de NaNo (le NaNo avançant pas trop mal, j’ai le temps d’écrire un peu sur le blog).
Attention, on s’accroche dès les premières lignes (j’explique ensuite) :
« J’étais une fille autrefois, c’est fini. Je pue. Couverte de croûtes de sang, mon pagne en lambeaux. Mes entrailles, un bourbier. Emmenée en trombe à travers cette forêt que j’ai vue, cette première nuit d’effroi, quand mes amies et moi avons été arrachée à l’école. «
Je ne vais pas continuer le récit d’horreur de cette jeune fille (fictive) mais qui reprend celui de ces lycéennes enlevées par Boko Haram au Nigéria. Car c’est le propos de Girl, le roman basé sur de vrais faits, écrit pas la grande écrivaine irlandaise Edna O’Brien.
Quand je suis allée chercher le roman, réservé à la médiathèque ( à cause de son succès) j’ai vu le visage de la bibliothécaire se décomposer un peu : nous le cherchions toutes les deux, nous le trouvions pas dans les réservations, et soudain, elle me dit « Ah… « Girl, c’est ce roman… « . En rentrant, j’ai regardé le livre en me demandant bien ce qu’il avait de spécial.
En fait, il fait partie des romans difficiles, si je peux dire ça comme ça. Difficile pour deux raisons : la première partie est consacrée au rapt des lycéennes et aux violences et viols, souvent racontés en détail. Mieux vaut avoir le coeur bien accroché… Mais j’ai envie de dire que si on a eu envie d’ouvrir le livre, on ne s’attendait sûrement pas à avoir de la chick-lit ou de la romance. Ou alors, on a mal lu le résumé….
Difficile aussi, en ce qui concerne le style, particulièrement dans la seconde partie du roman où le personnage principale, Maryam, s’échappe et survit. A ce moment commence pour elle une longue période d’errance, de confusion. Elle tente de retrouver les siens, de reprendre sa vie là où elle l’avait laissée. Et, forcément, ce n’est pas possible. Edna O’Brien restitue le trauma vécu en cassant la temporalité, en hachant le rythme, en brouillant les temps de narration – et je peux vous dire que pour le lecteur, la tâche devient compliquée !
Car, si le but est atteint : on est vraiment plongé dans la parfaite confusion, il en résulte aussi beaucoup d’exaspération.
Cette seconde partie aborde d’autres thèmes comme le rejet, la honte, la culpabilité, toute la complexité de la nature humaine….
Le livre est puissant, incroyablement documenté (l’autrice est allée sur place, à plus de 80 ans). Il n’est pas facile, il n’est pas agréable mais il est fort et il mérite que l’on prenne le temps de le lire.
Résumé : S’inspirant de l’histoire des lycéennes enlevées par Boko Haram en 2014, l’auteure irlandaise se glisse dans la peau d’une adolescente nigériane.
Depuis l’irruption d’hommes en armes dans l’enceinte de l’école, on vit avec elle, comme en apnée, le rapt, la traversée de la jungle en camion, l’arrivée dans le camp, les mauvais traitements, et son mariage forcé à un djihadiste – avec pour corollaires le désarroi, la faim, la solitude et la terreur.
Le plus difficile commence pourtant quand la protagoniste de ce monologue halluciné parvient à s’évader, avec l’enfant qu’elle a eue en captivité. Celle qui, à sa toute petite fille, fera un soir dans la forêt un aveu déchirant – « Je ne suis pas assez grande pour être ta mère «
Les autres premières lignes sont chez :
• Au baz’art des mots
• Light & Smell
• Chronicroqueuse de livres
• Les livres de Rose
• Le monde enchanté de mes lectures
• Cœur d’encre
• Les tribulations de Coco
• La Voleuse de Marque-pages
• Vie quotidienne de Flaure
• Ladiescolocblog
• Selene raconte
• La Pomme qui rougit
• La Booktillaise
• Les lectures d’Emy
• Songes d’une Walkyrie
• Aliehobbies
• Rattus Bibliotecus
• Ma petite médiathèque
• Prête-moi ta plume
• L’écume des mots
• Chat’Pitre
• Pousse de ginkgo
• Ju lit les mots
• À vos crimes
• Mille rêves en moi
Les premières lignes de cette semaine entrent très bien dans le thème du mois de novembre du HMSFFF challenge : des héroïnes.
» J’essaie de ne pas penser à elle.
Mais quand ça m’arrive, je pense au riz.
Lorsque Mama était parmi nous, une odeur de riz wolof flottait toujours dans notre ahéré.
Je pense aussi à sa peau sombre, dont l’éclat était pareil au soleil d’été. (….)
J’entends les légendes qu’elle me racontait le soir. (…)Les pleurs de Baba quand les soldats ont enroulé une chaîne autour de son cou. Ses cris à elle, quand ils l’ont traînée dans le noir.
Ses incantations, vomies comme de la lave. La magie de la mort qui l’a mise en transe.
Je pense à son corps sans vie, pendu à cet arbre.
Je pense au roi qui nous l’a enlevée. «
Avec le premier tome d’une série nommée « Legacy of Orisha », Tomi Adeyemi ne nous fait pas seulement le portrait d’une héroïne, mais de plusieurs femmes fortes. Les deux personnages centraux sont deux jeunes femmes dont les chemins vont rapidement se croiser : Zélie est l’héritière de son peuple, les « maji » persécutés, une combattante un peu rebelle qui aura la lourde tâche de faire revenir les arts magiques dans son monde ; Amari, elle, est la princesse, la fille du roi qui a ordonné les persécutions et les massacres. A ces deux points de vue féminins, s’ajoute celui du fils du roi, le propre frère d’Amari, un jeune homme plus ambigü qu’on n’y songerait au premier abord.
L’évolution des différents personnages est intéressante et bien faite. On ne peut pas dire ici que les personnages sont sans épaisseur et c’est agréable pour un roman de fantasy Y.A.
On progresse vite dans l’intrigue : beaucoup d’action, de combats, mais aussi du temps pour planter le décor. Car c’est un monde riche et dense, que cette Afrique revisitée qui à aucun moment ne flirte avec un faux exotisme de pacotille.
Les systèmes de magie auraient sans doute besoin d’être un peu plus développés ainsi que d’autres détails de cet univers. Mais un tome 2 s’annonce pour la fin de l’année….
Mon seul bémol tient au grand nombre de combats et de morts (je dois dire que je suis arrivée assez vite à saturation avec le sang versé, mais c’est personnel). Mais malgré quelques petites maladresse, j’ai beaucoup aimé cette lecture. C’est fort, intense…et prometteur pour la suite.
Un très bon premier roman, dont le succès n’est pas usurpé.
Tomi Adeyemi est claire au sujet de son roman :
« Pour faire simple c’est Black Panther avec de la magie », sur le plateau du « Tonight show » de Jimmy Fallon en 2018, pour indiquer la résonance sociale de son œuvre de fantasy, écrite à l’heure du mouvement Black Lives Matter.
Résumé : Ils ont tué ma mère.
Ils ont pris notre magie.
Ils ont voulu nous éliminer.
À présent, dressons-nous.
Il fut un temps où la terre d’Orïsha était baignée de magie. Mais une nuit, tout a basculé, le roi l’a fait disparaître et a asservi le peuple des majis. Zélie Adebola n’était alors qu’une enfant. Aujourd’hui, elle a le moyen de ramener la magie et de rendre la liberté à son peuple – même si face à elle se dresse le prince héritier du trône, prêt à tout pour la traquer.
Dans une Afrique imaginaire où rôdent les léopardaires blancs et où les esprits ont soif de vengeance, Zélie s’élance dans une quête périlleuse…
De sang et de rage – Tomi Adeyemi
traduit de l’anglais par Sophie Lamotte d’Argy, éditions Nathan, 560 pages,
Les autres premières lignes sont chez :
• Au baz’art des mots
• Light & Smell
• Chronicroqueuse de livres
• Les livres de Rose
• Le monde enchanté de mes lectures
• Cœur d’encre
• Les tribulations de Coco
• La Voleuse de Marque-pages
• Vie quotidienne de Flaure
• Ladiescolocblog
• Selene raconte
• La Pomme qui rougit
• La Booktillaise
• Les lectures d’Emy
• Songes d’une Walkyrie
• Aliehobbies
• Rattus Bibliotecus
• Ma petite médiathèque
• Prête-moi ta plume
• L’écume des mots
• Chat’Pitre
• Pousse de ginkgo
• Ju lit les mots
• À vos crimes
• Mille rêves en moi
Johnny Clegg, on l’a tous écouté, entendu, que ça soit dans les années 80 ou depuis, puisque des titres comme Asimbonanga ou Scatterlings of Africa sont intemporels. Johnny Clegg est lié pour toujours à Mandela, à la fin de l’Apartheid, à l’histoire de l’Afrique du Sud – à une partie de l’humanité. Il nous rappelle sans cesse que lutter pour l’égalité, la justice, n’est pas vain. Et que le racisme est une honte et une connerie.
Johnny Clegg, on le sait peu, était aussi anthropologue, spécialiste de la culture zouloue.
Pour nous, il est surtout un formidable musicien, un incroyable performeur pour ceux qui l’ont vu sur scène – et je suis heureuse de dire que c’est mon cas. Les frissons provoqués par Asimbonanga sur scène sont indescriptibles. Il y avait un monde fou ce jour de juin 1988 près de Nantes – on parle de 20 000 personnes. La tournée effectuée par Johnny Clegg et Savuka avait explosé tous les records en France.
Il restera une voix, un musicien, un artiste, plus simplement, un être humain. La musique demeure…
C’est une écriture que j’ai découverte avec cette trilogie théâtrale: celle de Mamadou Mahmoud N’Dongo. Une écriture, courte, aux phrases morcelées, en forme de coup de poing ou de coeur, qui donnent un rythme formidable.
Au fil de ces trois pièces, les thématiques (cause des femmes, l’exil, les origines, les relations hommes-femmes, et bien d’autres ) se répondent, les trajectoires de vie, les dialogues, les bruits de la ville, des fragments comme les morceaux d’un puzzle qui se reconstitue peu à peu. Il y a une véritable musique, une scansion dans l’écriture de N’Dongo.
Dans Bruits blancs, une fiction radiophonique, il met en perspective les attentats du 13 novembre et le Dialogue des Carmélites de Bernanos (l’auteur en parle dans l’interview ci-dessous). Le résultat est brillant.
Different maps est le texte du premier film tourné par l’auteur
Cela a été un bonheur de découvrir cet auteur et je remercie au passage Babelio/ Masse critique et les éditions de la Cheminante (Sylvie Darreau).
«J’aime tout simplement changer de thèmes, j’ai envie de m’intéresser à tout», explique Mamadou Mahmoud N’Dongo. »
Résumé : Mamadou Mahmoud N’Dongo aborde dans cette trilogie théâtrale Maintenant éditée à La Cheminante les événements de ses dernières années, donnant à entendre dans Bruits blancs le chœur des passagers d’un taxi, un jour de novembre, avant, pendant et après les attentats de Paris.
Dans Maintenant que je me suis habituée à ta présence– en collaboration avec l’artiste suisse Nina Willimann -, l’identité féminine est explorée en relation avec les notions de nation, histoire, culture et genre.
Et Different Maps offre une lecture contemporaine de l’amour d’Orphée pour Eurydice…
Les bruits, fureurs et silences du présent sont au rendez-vous de cette dramaturgie où la profondeur du regard de l’auteur rend palpable la nécessité d’être au monde en conscience.
Pour finir, je vous propose de découvrir Different Maps:
Avec les Premières lignes de cette semaine, nous allons voyager entre la côte ouest américaine et le Nigéria. Le premier roman traduit en français de Sarah Ladipo Manyika commence par ses mots :
» Je vis dans un vieil immeuble. « Vieux mais solide « , notre propriétaire l’affirme. apparemment, le 500 Belgrave Avenue est si robuste qu’il a résisté au tremblement de terre de 1906. « Pas une seule fissure », dit encore notre propriétaire. de vous à moi, je ne parierais pas là-dessus si l’histoire venait à se répéter. C’est pour cette raison que je vis au dernier étage, comme ça, si le bâtiment s’effondre, au moins, ils n’auront pas trop à creuser pour m’en extraire. »
Le ton est donné. La narratrice se nomme Morayo, elle va fêter ses 75 ans, vit à San Francisco depuis 20 ans. Elle nous chuchote ses pensées, nous raconte sa vie: son passé de professeure de littérature mais avant cela, de femme d’ambassadeur autour du monde, son ex-mari César, son enfance au Nigéria – et particulièrement dans la ville de Jos, bien avant que la région ne soit frappée par les violences et les massacres.
Morayo aime aussi rapprocher les personnages de ses romans préférés par affinités. Elle leur invente d’autres vies, comme elle aime en tisser autour des gens qu’elle rencontre.
Ce court roman pourrait n’être qu’un énième livre feel-good mais ce n’est (heureusement !) pas le cas. Il cache une profondeur, une émotion et parfois, une réelle réflexion par touches précises et intimistes. C’est avec succès que Sarah Lapido Manyika boucle ce « Comme une mule qui apporte une glace au soleil ».
Joli coup de coeur.
Delcourt Littérature – paru en mars 2018
L’autrice lit un passage de son roman :
Résumé : »Le professeur Morayo Da Silva s’apprête à fêter son anniversaire, alors elle sort acheter des fleurs. Cette Mrs Dalloway nigériane porte fièrement ses soixante-quinze printemps et ses turbans aux mille couleurs, et aime par-dessus tout retrouver son petit monde dans les rues de Haight-Hashbury, San Francisco, sa ville de cœur depuis deux décennies. On croise ainsi Dawud, commerçant palestinien ; Mike, un policier apprenti-romancier ; Mme Wong, toujours un balai à la main ; Sunshine, la jeune voisine indienne qu’elle a prise sous son aile; ou encore Rachel une jeune SDF fan de Grateful Dead »
Sa réponse à Trump :
Ses conseils à ceux qui écrivent :
« Je ne sais vraiment pas comment cette histoire a commencé.
Papa nous avait pourtant tout expliqué, un jour, dans la camionnette.
– Vous voyez, au Burundi c’est comme au Rwanda. Il y a trois groupes différents, on appelle ça les ethnies. Les Hutu sont les plus nombreux, ils osnt petits avec de gros nez.
– Comme Donatien ? j’avais demandé.
– Non, lui, c’est un Zaïrois, c’est pas pareil. (…) Il y a aussi les Twa, les pygmées. Eux, passons, ils sont quelques uns seulement, on va dire qu’ils ne comptent pas. Et puis, il y a les Tutsi, comme votre maman. «
Ainsi débute « Petit pays » de Gaël Faye, un livre dont on a beaucoup parlé ces deux dernières années – et qui le mérite. Car, pour un premier roman, c’est non seulement une réussite mais c’est aussi une pépite d’écriture – et ça, ça fait du bien…
« En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire.
Gabriel voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français… »
Gaël Faye relate non seulement non seulement les débuts d’ une guerre civile (Tutsi/Hutu) mais dépeint aussi l’Afrique, au travers d’un roman d’apprentissage.
« Je pensais au jour d’après, espérant que demain serait mieux qu’hier. Le bonheur ne se voit que dans le rétroviseur. Le jour d’après ? Regarde-le. Il est là. A massacrer les espoirs, à rendre l’horizon vain, à froisser les rêves.
Magnifique lecture sur l’enfance, sur l’Afrique, sur le métissage, et tant d’autres sujets, Petit pays est servi par une écriture lumineuse et ciselée.
Pour ma part, j’ai été d’autant plus conquise que j’ai travaillé plusieurs années avec des collègues venu.e.s du Rwanda et du Burundi qui, après avoir vécu l’horreur, transmettait une confiance dans l’espoir rarement vue ailleurs.
Nous étions dans les années 70 la semaine dernière avec le virage psychédélique/glam emprunté par la pop culture. Nous sommes à présent à la fin de la même décennie, décidément très riche pour la pop (art, musique, mode, état d’esprit, …).
1975, la période hippie, le rock à paillettes et le folk sont à leur apogée. Le rock se change en hard-rock mais pour le reste, la contestation et le nouveauté s’engluent.
Il est temps pour le punk d’exploser…
Mais parlons avant tout de reggae.
Sur une île bien loin de l’Angleterre, un mélange détonnant a abouti au reggae.
Le reggae, c’est à l’origine ceci :
« Le reggae est le fruit de nombreuses rencontres et de métissages : évolution du ska puis du rocksteady, il trouve ses racines dans les rythmes et musiques blanches coloniales qu’on faisait jouer aux esclaves (polka, mazurka, scottish, quadrille mais aussi musiques de types militaires , les musiques traditionnelles caribéennes (mento puis calypso), mais il est aussi très influencé par le Rhythm and blues, le jazz et la soul music .Le ska, le rocksteady et le reggae ont pris au mento le jeu à contretemps de la guitare rythmique, et aussi certaines chansons transformées »
— Linton Kwesi Johnson,
Entretien avec Bruno Blum (1994)
Mento:
.
Et donc, vous allez me dire ? Quel rapport avec la choucroute ? Heu… avec le punk ? J’y arrive.
En 1977, le groupe punk The Clash reprend sur son 1er album la chanson de Junior Murvin « Police and thieves » (enregistrée en Jamaïque en 76). Le groupe rajoute une ligne en forme de clin d’oeil aux Ramones, l’un des 1ers groupes punks « We’re going through a tight wind ».
La version du Clash:
Le futur roi du reggae, Bob Marley de son côté ne manque pas de rendre hommage aux groupes punks – et à la « new wave » montante dans Punky reggae party:
« New wave, new wave, new raveWailers be there
The Dammed, The Jam, The Clash
Maytals will be there
Doctor Feelgood too, ooh
No boring old farts, no boring old farts, no boring old farts
Will be there »
Alors, punk et reggae, même combat ? Oui ou non ?
Ce n’est pas si simple.
Don Letts , rapporte ceci (sacré Bob, au passage) :
Were punk and reggae ever at odds? Or was there common ground from the start?
It’s easy to see what punk got out of the fusion: basslines, the anti-establishment stance, musical reportage. What reggae got in return was exposure. That was all it needed. But there were uneasy and suspicious bedfellows on reggae’s side.
I fell out with Bob Marley over punk. I had on some bondage trousers and he said to me, ‘Don Letts, whatcha dealin’ wit? You look like one of dem nasty punk rockers.’ I said, ‘Hold on a minute, these are my mates!’ He’d obviously been reading the tabloids, which portrayed punks negatively.
I didn’t tell him to fuck off but as a baby dread I held my ground. Later he was moved to write that song, ‘Punky Reggae Party’, which put reggae on the map. So I figure I got the last laugh.
(Don Letts interview)
Comme quoi, chacun avait des idées un peu arrêtées. Et la presse, surtout les tabloïds anglais, n’ont rien fait pour arranger l’image des punks. Mais ça, on le sait. C’est toujours plus facile de faire passer les gens pour des imbéciles violents (clichés) que de parler d’un mouvement artistique qui émerge (même s’il comprend aussi des imbéciles et des crétins violents parmi eux, évidemment).
T’as pas vu ma pop
Au milieu des années 70, le mouvement punk connaît son apogée (76/77 en Angleterre). Il est significatif de la culture pop en ce qu’il est l’héritier manifeste des sous-cultures qui l’ont précédé (Ramones, contest song, pop art, situationnisme). On ne manquera pas de remarquer qu’il laisse une influence notoire sur ce qui va suivre: mode, coiffure, musiques, art graphique,
Le punk anglais est singulier car non seulement engagé politiquement mais fortement métissé. On voit un mouvement urbain ( et blanc dans sa dominance) se mélanger à l’influence de la culture caribéenne, noire, chaloupée et religieuse.
Paul Simonon, le bassiste de Clash, a grandi dans la banlieue jamaïcaine de Londres (Brixton) et dit lui-même avoir principalement du reggae (il n’y a qu’à écouter la façon dont il fait sonner sa basse pour s’en apercevoir).
C’est d’ailleurs Paul Simonon qui chante ce titre très reggae du Clash:
Le reggae, pour les Jamaïcains, c’est la musique de la libération, la voix des esclaves un peu comme le tambour l’est pour les Antilles françaises : le gwo-ka guadeloupéen, la véritable musique de la Guadeloupe quand le zouk actuel n’est qu’un amusant air de danse ( je vous invite à faire connaissance avec ses rythmes ).
Les exilés jamaïcains emmènent dans leur bagages le son, la culture, la révolte, le rastafari .
Dans l’Angleterre de 1976, les émeutes de l’été à Notting Hill pendant lesquelles noirs et policiers se sont affrontés donnent cette idée à The Clash: que la jeunesse blanche se révolte aux côtés de la communauté noire !
Un hymne punk est né:
Chez les Sex Pistols, c’est John Lydon (Johnny Rotten) qui est un grand fan de reggae. Il part avec Don Letts en Jamaïque lors que le groupe se dissout. (ci-dessous, John Lydon ex-Sex Pistols, PIL, en Jamaïque):
A la fin des 70’s, la pop est devenue une sorte d’hybride en se métissant avec la soul, le rock, le punk, le reggae et voit la naissance de son prochain rejeton: le hip hop.
Les liens entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique sont faits, les codes vestimentaires se sont inspirés les uns de autres. La pop s’est inventé un look, elle devient une mode – fin prête pour les années 80 en vue. Affaire à suivre….
Malcolm McLaren et Vivienne Westwood – 1977
Pour aller plus loin:
Afropunk :
« Afropunk est né pour donner de la visibilité à une diversité artistique que ne célébraient pas suffisamment les médias mainstream et rappeler que le rock puise justement ses racines dans les musiques produites par des Noirs. Cette réappropriation constitue une petite révolution au sens premier du terme : un retour aux inspirations originales de la musique « blanchie » par l’histoire. »