» Nous ne voulons pas que le talent soit une fiction.
Nous sommes obstinément persuadés que certains facultés tiennent d’une poignée d’humains au-dessus de la moyenne, d’un hasard extrêmement rare, ou d’un grâce divine, pour ceux d’entre nous qui y croient. Le talent est perçu comme un don rare, mystique, réservé à quelques élus, qui pourraient l’exploiter pour créer des chefs-d’oeuvre sans effort. «
J’avais repéré cet essai grâce à une émission TV : l’autrice, docteure en neurosciences, expliquait clairement, par exemple, que certaines théories prônaient la pratique à tout prix qui permettrait « d’accéder au talent » . J’en avais entendu parler : 10 000 heures de pratique permettraient à n’importe quelle personne de développer une expertise dans un domaine. J’avoue que j’ai toujours trouvé ça un peu louche…
J’étais donc curieuse de savoir où en étaient les recherches dans le domaine.
Le livre de Samah Karaki est découpé en trois grandes parties qui explorent différentes pistes. La première s’attache à la thèse qui voudrait que le talent ne soit dû qu’à la génétique (héritage génétique ou socio-économique ? l’influence de la culture sur les apprentissages, la racialisation et, enfin, le problème des tests de QI ).
on s’en doutait : les gênes, seuls, n’expliquent pas le talent. On apprend aussi qu’il existe plus de probabilités de « réussir » lorsqu’on grandit dans des conditions favorables.
Mais l’autrice tient à parler de l’importance du travail, de la pratique. Après tout, la notion d’effort doit bien contribuer à quelque chose, non ? Il y a dans ce long chapitre des éléments très intéressants. Je ne vais pas le résumer mais on comprend, entre autres, que ce n’est pas tant la quantité du travail fourni (les fameuses 10 000 heures) mais la qualité qui importe. C’est évident ? Et bien, pas pour tout le monde, pas dans l’univers de la réussite, apparemment.
Enfin, l’autrice aborde l’effet des prophéties auto-réalisatrices et des croyances : sur la perception de l’effort et de l’échec.
Finalement, en fin d’ouvrage, c’est la notion même de réussite qui est à remettre en question (scolaire, professionnelle), non pas comme un appel à laisser tomber les efforts ou la ténacité, ni même le développement des connaissances mais comme celui à reconnaître que nous sommes divers, complexes, avec des ambitions différentes. L’accent devrait alors être mis sur un changement du système scolaire et même professionnel qui vise toujours l’excellence de la même manière, et reste peu adapté aux intelligences diverses qui sont les nôtres.
Je vous invite à découvrir cet essai dense, parfois ardu et très bien documenté que je n’ai fait que survoler ici.
(merci aux éditions JC Lattès et Babelio)