Premières lignes
« Dieu merci, j’en ai fini avec la géométrie, qu’il s’agisse de l’apprendre ou de l’enseigner, déclara Anne Shirley d’un ton un rien vindicatif en flanquant un ouvrage d’Euclide passablement usé dans un gros coffre empli de livres, avant de le refermer triomphalement et de s’asseoir dessus en regardant Diana Wright, à l’autre bout du grenier, de ses yeux gris semblables à un ciel matinal.
Cegrenier était un endroit plein d’ombres, évocateur et délicieux, comme devraient l’être tous les greniers. Par la fenêtre ouverte, près de laquelle Anne était assise, soufflait l’air doux, parfumé et chauffé par le soleil d’ une après-midi d’août ; dehors, les branches des peupliers bruissaient et remuaient dans le vent ; derrière eux se trouvaient les bois où le Sentier des amoureux déroulait son chemin enchanté, et le vieux verger de pommiers qui portaient encore leur abondance de fruits roses. «
Voici le cinquième tome de la série Anne, entamé avec Anne de GreenGables, toujours dans la très belle réédition de Monsieur Toussaint-Louverture.
J’ai finalement trouvé la solution à mes pannes et autres fatigues de lecture, récurrentes ces derniers mois : reprendre des livres qui me plaisent. Et la série des Anne en fait partie. Je n’avais pas encore lu celui-ci alors qu’un nouveau tome est déjà sorti.
J’étais restée un peu mitigée avec Anne de Windy Willows souvent très lent et pas forcément à la hauteur des premiers. Mais, avec cette nouvelle étape dans la vie d’Anne, une page se tourne et le talent de Lucy Maud Montgomery est au rendez-vous.
Anne a donc pris sa décision : elle épouse Gilbert. On peut sourire quand on se souvient au début de leurs relations houleuses, à l’école, toujours en compétition l’un avec l’autre. Néanmoins, leur lien a mûri. Anne et Gilbert, devenus amis puis amoureux savent se comprendre comme nul autre. On dirait presque, comme le déclare Anne, des « âmes soeurs ».
Pourtant, Gilbert devenu médecin, ne s’est pas installé à Avonlea mais plus loin, toujours sur l’île du Prince Edouard. Heureusement, il a déniché une maison tout à fait dans les goûts d’Anne, près du bord de mer, un peu isolée, tout à fait charmante puisqu’on y voit le phare.
Très vite après son mariage (bucolique), Anne cherche à connaître ses voisins : le vieux gardien de phare, Captain Jim est un conteur né. Miss Cordelia ne tarde pas à venir la faire rire avec sa langue bien pendue et ses opinions tranchées sur les « hommes, ces bons à rien » et les méthodistes, qu’elle ne peut pas supporter (Anne et Gilbert sont heureusement presbytériens). Il reste un mystère, pourtant, qu’Anne cherche à percer : qui est la superbe jeune femme qui l’a épiée dès son arrivée ?
Bien entendu, Montgomery va introduire ce nouveau personnage et entremêler son drame aux nouvelles épreuves qu’Anne va devoir affronter.
Ce tome 5 est décidément très réussi, beaucoup plus réaliste que le précédent, tout en contrastes et en justesse. A nouveau, le sourire se mêle aux larmes, pour le meilleur.