Premières lignes – 5 juin

Premières lignes 

 

Troisième opus de la série Les enfants indociles entamée avec Les portes perdues (ma chronique ici), Sous un ciel de sucre retrouve les éléments (brillants) qui m’avaient plu dès la première lecture. J’avais eu un peu plus de mal avec le second tome, De brindilles et d’os, au cours duquel nous suivions le parcours de Jack et Jill mais qui laissait de côté tous les autres personnages. Cette fois, l’intrigue se déroule peu de temps après le 1er tome et revoilà des têtes connues toujours à  l’Institut d’Eleanore West. Très vite, pourtant, Seanan McGuire nous ouvre les portes des autres mondes, celui du fameux   Royaume des Morts (celui où Nancy rêvait de retourner) et Friandise, le monde  fait de sucre, de gâteaux et de bonbons.
Pourquoi ? En fait, la fille de Sumi, qui n’est plus vivante (on le sait si on a lu le premier tome), tombe littéralement du ciel depuis Friandise pour réclamer sa mère ! Comment peut-elle exister si Sumi n’est plus ? Ou n’est pas ? Ou … Les jeunes de l’institut se chargent de lui prêter main-forte et s’embarquent avec elle car elle a un passe-partout qui permet d’ouvrir des portes sur les mondes ! une aubaine pour ces ados qui veulent repartir…
Il s’ensuit un périple génial, excentrique durant lequel on va de nouveau croiser Nancy (qui a donc retrouvé sa porte), visiter un univers fait de bonbons, nager dans une mer de soda et rencontrer la faiseuse de cookies, une divinité, à coup sûr …
Il faut vraiment lire cette série, où les personnages sont diversifiés, drôles, émouvants. a nouveau, Seanan McGuire sait mettre en avant une jeune fille qui a souffert de la grossophobie mais qui a trouvé son équilibre dans un monde où elle était une sirène, un autre qui a un handicap physique mais qui, dans « son monde » n’est pas gênée, etc… C’est si bien dit, si bien fait… Pas de meurtres, ici, mais des dialogues percutants. Un tome très réussi.

Sous un ciel de sucre par McGuire

 

Résumé : Les événements étranges font partie du quotidien des pensionnaires d’Eleanor West. Pourtant, lorsqu’une fille vêtue d’une robe de bal en forme de pièce montée atterrit dans la mare aux tortues derrière l’école des enfants indociles, ils sont abasourdis. Et quand ils apprennent qu’il s’agit de la fille de Sumi, morte avant d’avoir pu enfanter, ils comprennent que tout menace une nouvelle fois de s’écrouler…

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

 

Premières lignes — 8 mai

Premières lignes

«  Dieu merci, j’en ai fini avec la géométrie, qu’il s’agisse de l’apprendre ou de l’enseigner, déclara Anne Shirley d’un ton un rien vindicatif en flanquant un ouvrage d’Euclide passablement usé dans un gros coffre empli de livres, avant de le refermer triomphalement et de s’asseoir dessus en regardant Diana Wright, à l’autre bout du grenier, de ses yeux gris semblables à un ciel matinal.
Cegrenier était un endroit plein d’ombres, évocateur et délicieux, comme devraient l’être tous les greniers. Par la fenêtre ouverte, près de laquelle Anne était assise, soufflait l’air doux, parfumé et chauffé par le soleil d’ une après-midi d’août ; dehors, les branches des peupliers bruissaient et remuaient dans le vent ; derrière eux se trouvaient les bois où le Sentier des amoureux  déroulait son chemin enchanté, et le vieux verger de pommiers qui portaient encore leur abondance de fruits roses. « 

Voici le cinquième tome de la série Anne, entamé avec Anne de GreenGables, toujours dans la très belle réédition de Monsieur Toussaint-Louverture.
J’ai finalement trouvé la solution à mes pannes et autres fatigues de lecture, récurrentes ces derniers mois : reprendre des livres qui me plaisent. Et la série des Anne en fait partie. Je n’avais pas encore lu celui-ci alors qu’un nouveau tome est déjà sorti.
J’étais restée un peu mitigée avec Anne de Windy Willows souvent très lent et pas forcément à la hauteur des premiers. Mais, avec cette nouvelle étape dans la vie d’Anne, une page se tourne et le talent de Lucy Maud Montgomery est au rendez-vous.
Anne a donc pris sa décision : elle épouse Gilbert. On peut sourire quand on se souvient au début de leurs relations houleuses, à l’école, toujours en compétition l’un avec l’autre. Néanmoins, leur lien a mûri. Anne et Gilbert, devenus amis puis amoureux savent se comprendre comme nul autre. On dirait presque, comme le déclare Anne, des « âmes soeurs ».
Pourtant, Gilbert devenu médecin, ne s’est pas installé à Avonlea  mais plus loin, toujours sur l’île du Prince Edouard. Heureusement, il a déniché une maison tout à fait dans les goûts d’Anne, près du bord de mer, un peu isolée, tout à fait charmante puisqu’on y voit le phare.
Très vite après son mariage (bucolique), Anne cherche à connaître ses voisins : le vieux gardien de phare,  Captain Jim est un conteur né. Miss Cordelia ne tarde pas à venir la faire rire avec sa langue bien pendue et ses opinions tranchées sur les « hommes, ces bons à rien » et les méthodistes, qu’elle ne peut pas supporter (Anne et Gilbert sont heureusement presbytériens). Il reste un mystère, pourtant, qu’Anne cherche à percer : qui est la superbe jeune femme qui l’a épiée dès son arrivée ?
Bien entendu, Montgomery va introduire ce nouveau personnage et entremêler son drame aux nouvelles épreuves qu’Anne va devoir affronter.
Ce tome 5 est décidément très réussi, beaucoup plus réaliste que le précédent,  tout en contrastes et en justesse. A nouveau, le sourire se mêle aux larmes, pour le meilleur.

 

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Premières lignes – 26 avril

Premières lignes

« Le pire serait derrière nous, parait-il.
Pourtant, nous demeurons tapis à l’orée de demain,
Figes dans nos foyers tels des fantômes acéphales,
Attendant de nous rappeler exactement
Ce que nous sommes censés faire.

& nous sommes censés faire quoi, exactement ?
Écrire une lettre au monde en tant que fille du monde.
Nous écrivons tandis que le sens s’évanouit,
Nos mots sont de l’eau qui coule sur un parebrise.
Le diagnostic du poète est que notre vécu
S’est déjà formé en un rêve fiévreux,
Aux contours arrachés à la boue de l’esprit.

Pour répondre de ses actes il faut les rapporter :
Non ce qui a été dit, mais ce que cela voulait dire.
Non pas les faits, mais ce qui a été ressenti.
Ce qui était su, même sans être nommé.
Notre plus grande épreuve sera

Notre témoignage.
Ce livre est une bouteille à la mer.
Ce livre est une lettre.
Ce livre est sans concession.
Ce livre est éveillé.
Ce livre est une veillée.
Car qu’est donc une archive sinon un jugement ?
La capsule capturée ?
Un dépositaire,
Une arche articulée ?
&le poète, le gardien
Des fantômes & des gains,
De nos démons & de nos rêves,
De nos hantises & de nos espoirs,
À la préservation
D’une lumière si terrible. »

En version originale :

« Allegedly the worst is behind us.
Still, we crouch before the lip of tomorrow,
Halting like a headless hant in our own house,
Waiting to remember exactly
What it is we’re supposed to be doing.

& what exactly are we supposed to be doing?
Penning a letter to the world as a daughter of it.
We are writing with vanishing meaning,
Our words water dragging down a windshield.
The poet’s diagnosis is that what we have lived
Has already warped itself into a fever dream,
The contours of its shape stripped from the murky mind.

To be accountable we must render an account:
Not what was said, but what was meant.
Not the fact, but what was felt.
What was known, even while unnamed.
Our greatest test will be
Our testimony.
This book is a message in a bottle.
This book is a letter.
This book does not let up.
This book is awake.
This book is a wake.
For what is a record but a reckoning?
The capsule captured?
A repository.
An ark articulated?
& the poet, the preserver
Of ghosts & gains,
Our demons & dreams,
Our haunts & hopes.
Here’s to the preservation
Of a light so terrible. »

Ce sont donc des premières lignes poétiques, et même mieux, le premier poème du recueil écrit par la jeune poétesse afro-américaine Amanda Gorman, paru chez Fayard et traduit par Santiago Artozqui. 
J’avais très envie de découvrir ses poèmes depuis le fameux jour où j’avais entendu « La colline que nous gravissons «  lors de l’investiture du président Biden.
Je me posais un tas de questions : quel genre de poésie écrit-elle ? A quoi ça peut ressembler ?  Oui, j’aime la poésie.
Quand la question  de la parution en langues étrangères de  » La colline…. » s’est posée, il y a eu une belle polémique, reprise en choeur sur les réseaux, dont je n’ai même pas envie de parler. A  ce sujet, le traducteur français  Artozqui,  en parle très bien dans son interview (lien ici).
Au sujet de la technique, Artozqui se dit aussi frappé par :  » la variété de ses expérimentations : elle essaye tout, le parlé-chanté, les jeux sur la disposition, la typographie (un poème sur la barre oblique, des poèmes-sms, des poèmes masques, un poème cachalot, un poème terre, un poème urne), l’étymologie, avec des textes très difficilement traduisibles, qui réclament tout un travail de transposition. »

Et en effet, on comprend tout à fait la difficulté de traduire certains poèmes. J’ai lu le recueil, pas d’une traite, mais en allant de poèmes en poèmes. J’ai trouvé qu’ils étaient vraiment maîtrisés (et oui, ils sonnent bien en français). Puis, je suis allée en lire certains en version originale, pour m’en imprégner d’une autre façon.

Gorman parle de l’actualité, parfois très précisément, de ce qui « nous » marque, la crise du COVID, par exemple. Elle emploie un « nous » à dessein. « Nous » aussi, pour parler des afro-américains, de la communauté. On sait qu’on marche sur des oeufs, ici en France avec ce mot/concept  puisque bien souvent « communauté » est amalgamé à  « communautarisme ». Mais, au-delà d’un communauté, Gorman parle de nous, humains, de nos vies, de la façon dont nous résistons, de la façon dont nous existons/survivons pendant une pandémie. Et là, le sujet est universel.
Ses mots frappent juste et les formes utilisées m’ont vraiment plu (même si je n’ai rien trouvé de spécialement original).
Elle parle également des  émeutes raciales des années 1960, de l’esclavage ;  elle fait un parallèle pandémie COVID/  grippe espagnole 1918, cite beaucoup, aussi. Les notes de de fin de volume  sont précieuses.

Enfin,  quoi de mieux qu’un autre extrait pour dire ce que j’ai aimé :

LA PUISSANCE SANS PAREIL D’UN CHEZ MOI

Nous en avions marre du pays,
Nous avions le mal du pays.
Ce masque à notre oreille
S’est accroché tout au long de l’année.
Une fois rentrés chez nous,
On se retrouvait haletants, en larmes,
à l’arracher comme un bandage,
Comme une gaze posée
Sur bouche béante.
Même sans visage un sourire peut
Nous élargir les joues,
Os par os,
Nos yeux se plissent
Délicatement comme du papier de riz
Devant une beauté tout aussi fragile –
Le blues chantant d’un chien,
Un écureuil qui s’aventure tout près,
La chute de la blague d’une personne aimée.
Notre masque n’est pas un voile, mais une vision.
Que sommes-nous, sinon ce que nous voyons dans l’autre.

 

 

Call Us What We Carry par Gorman

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

 

Premières lignes — 19 avril

Premières lignes 

 » Ce jour-là, pour la première fois de l’année, l’hiver semblait s’être vraiment emparé de Dehaven. Le ciel était d’un gris uniforme au-dessus de la mer, et la rare lumière qui filtrait à travers ce voile épais était pâle et froide. Fridarilde Van Hughen leva les yeux pour s’assurer que la pluie ne menaçait pas, puis s’emmitoufla dans sa pelisse et tourna la tête vers la tour de guet, derrière elle. Mais de là-haut, personne ne pouvait la voir.
Depuis le milieu de l’automne, le ponton des Gabeleurs était déserté de tous, sauf de Fridarilde, qui prétextait un caprice de femme enceinte pour s’y promener, quand le temps était suffisamment sec. « 

Voilà une suite que j’attendais avec un peu/beaucoup d’impatience puisqu’il s’agit d’un cycle qui est devenu l’un de mes coups de coeur : je veux parler de celui de la Tour de Garde. Ma lecture de  Citadins de demain, le premier tome de la trilogie consacrée à la capitale du Nord (Dehaven) et signée Claire Duvivier, remontait à presque 1 an. J’avoue que, malgré le très sympathique résumé qui figure en début de volume (merci aux maisons d’édition/auteur.ices qui pensent  à nos pauvres cerveaux surchargés de lectures)  j’ai quand même eu des petits instants de doute, qui n’ont pas eu beaucoup d’impact sur ma lecture.
Je sais qu’un jour, je lirai le cycle en entier, sans interruption ; la parution en poche m’aidera grandement car, pour le moment, je les emprunte en bibliothèque.
Nous repartons donc pour la capitale du nord, après les horribles meurtres qui ont conclu le 1er tome.
Amalia et Yonas, qui étaient sur place, sont recherchés car, bien sûr, on les considère comme les suspects principaux. Tous les deux ont trouvé refuge dans les faubourgs et tentent de survivre sans se faire capturer.
Cette fois, le monde d’Amalia s’est vraiment écroulé. Et pourtant, malgré le confort perdu et la douleur du deuil,  elle fait face avec une certaine « froideur » que son ami Yonas ne comprend pas. La promiscuité, la nécessité de survivre va-t’elle éloigner ou rapprocher les deux amis ?
De cachette en refuge, Yonas et Amalia vont découvrir bien des aspects de Dehaven, ainsi que des détails dont les deux amis n’avaient connaissance.
Quant à la cité du nord, elle bouillonne. La stabilité sociale n’était que de la poudre aux yeux et la crise qui se déroule dans les colonies ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu qui couve…
Claire Duvivier sait tracer avec une subtilité de plus en plus affirmée le parcours de ses personnages (un énorme bravo pour l’évolution d’Amalia et ce qui en découle). Le roman se déroule habilement, sans se presser, pour s’achever sur une tension magistrale. C’est un superbe second tome, tout simplement. J’avais quelques incompréhensions, à la fin du premier tome ; je sais pourquoi, maintenant (mais je ne dirais rien, il faut les lire !)

Capitale du Nord, tome 2 : Mort aux geais ! par Duvivier

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Une autre moi-même — M.R Carey

Il y a des livres avec lesquels on peine, ceux qui nous tombent des mains dès le début ou même en plein milieu ; il y a des livres qu’on referme avec un sentiment mitigé, ceux qu’on pose en sachant très bien qu’on n’en gardera pas le souvenir d’ici les prochains mois. Il y a des romans qui sont plutôt pas mal mais qui ont ces petits défauts agaçants qui font grincer des dents, ceux qui contiennent tellement d’incohérences que la lecture en devient un pensum plus qu’un plaisir. Il y a des romans « faciles » mais qui, finalement, restent sans saveur et ceux qui se veulent tellement « recherchés  » ou écrits ou avec une subtilité  digne de celle  d’Emmanuel Macron en politique ‘oups’, d’un titre de Cannibal Corpse. 
Il existe des tas de livres qui vous mènent à la lassitude en lecture (mon cas depuis la fin de l’année dernière). Mais, heureusement, il y en a presque autant qui apportent de la joie, du plaisir à lire et qui amènent à dire : « Mais qu’est-ce que c’est bien fait ! »

Les romans de Mike Carey  (Celle qui a tous les dons, la trilogie de Koli)  font partie de cette deuxième catégorie, non parce qu’ils abordent des sujets « youpi yop, le monde est rempli de Bisounours », au contraire mais parce qu’ils sont extrêmement bien construits, que les personnages sont consistants, que les intrigues se tiennent de bout en bout, qu’on n’y rencontre pas des  formulations pouvant induire du racisme, sexisme, homophobie, etc…
Carey sait nous captiver, nous emmener dans la psyché de ses personnages et construire aussi des ambiances. Avec Une autre moi-même, les deux personnages principaux sont deux femmes : une mère (Liz) qui se défend contre son ex mari, un homme violent et abusif, et une adolescente qui, étant enfant, a été victime d’un kidnapping. Toutes deux soumises à des traumas ont, pense-t’on, développé des stratégies de survie et subissent des troubles psychiques. L’adolescente (Fran) est cataloguée au collège comme la « dingo » de service. Elle consulte un psy, est sous traitement. Son seul refuge demeure son « amie imaginaire », une renarde qui lui vient d’un dessin animé qu’elle regardait étant enfant.
Quant à Liz, le jour où elle répond aux coups de son ex, elle a la nette impression que quelqu’un a pris le contrôle de son corps et de son esprit.  On pense à un  trouble dissociatif de l’identité.
Mais voilà : les apparences sont un peu trompeuses et la fantastique s’en mêle de façon très habile.

Je n’en dirais pas plus. Le traitement des personnages est splendide, la façon dont Carey manie les points de vue, magistrale.
(oui, il faut le lire!)

Merci aux éditions l’Atalante et à Masse critique Babelio pour l’envoi !

 

Une autre moi-même par Carey

 

Premières lignes un peu spéciales

Cette semaine, je vais avoir des premières lignes spéciales, je dois le dire. Vous ne trouverez le roman que sur Neovel.

Furrville

Ce matin-là, Lady Tabitha de Taigne mit très tôt le nez à la fenêtre. Non qu’elle en eût envie, mais elle avait été réveillée par les cris incessants du marchand de lait qui hurlait dans la rue à qui mieux-mieux. A qui miaou-miaou, plutôt ! C’était à se demander ce qu’il lui prenait à s’égosiller ainsi de bon matin de manière aussi dissonante !

Ayant toujours eu un sommeil léger – Mère disait toujours « Tabie, ne dors jamais que d’une oreille, tiens-toi prête à tout, ma fille » – Lady Tabitha sauta rapidement hors de sa couche. Les années n’avaient pas entamé sa souplesse et même si, parfois, quelques unes de ses articulations commençaient de la tirailler, elle s’exerçait sans relâche à s’étirer comme au temps de sa jeunesse.

Car Lady Tabitha était entrée dans ce qu’on appelle « l’âge mûr », même si ce terme convient mieux aux fruits qu’aux mammifères. Le dicton populaire chez les félins assénait : « Si tu mûris trop, attention ensuite à la pourriture qui suit ! ». Cela ne concernait pas Lady Tabitha de Taigne qui restait vive et affûtée. Elle gardait aussi un pelage lustré, de couleur bronze avec plusieurs touches de blanc sur le ventre, la gorge et les pattes, zébré finement de noir qui signait son appartenance à la caste des Tabbies. A ce sujet, beaucoup se demandaient d’ailleurs comment une jeune dame des Tabbies, une caste considérée comme un peu populaire, avait pu accéder au titre de Lady et occuper un rang élevé dans la société. Certains esprits chagrins colportaient bien des rumeurs plus fausses les unes que les autres : on évoquait son union avec Sieur Minoor, un marquis de haut rang qui, selon des sources sûres, avait été le conseiller privé de sa Majesté. Bien entendu, une part était vrai  puisque Lady Tabitha et Sieur Minoor avaient été unis longtemps jusqu’au décès brutal du marquis, quelques années plus tôt. Mais Lady Tabitha ne devait en rien son titre à son compagnon, enfin ! Les titres et les noms se transmettaient de mère en fille dans la société féline, les médisants devaient le savoir… Quant à son aisance à se mouvoir dans toutes les strates de la société, son habileté et son intelligence la lui permettaient. De même que sa persévérance infatigable .

Pourtant, ce matin-là, aux petites heures grises, Lady Tabitha ressentait de la lassitude. Certes, elle avait dormi mais, tout de même, une heure ou deux de plus n’auraient pas été de trop. Et tout cela à cause de ce jeune brailleur, là, dehors !

Elle finit par tirer les rideaux, ouvrir les deux battants des fenêtres et par jeter un coup d’œil au-dehors. La rue de la Bonne Cataire lui parut aussi grise et déserte qu’elle devait l’être à ce moment de l’année et de la journée. Elle se pencha et l’aperçut en contrebas. Un jeune marchand de lait à la mise débraillée, une casquette posée de guingois sur ses oreilles, un bidon passé tant bien que mal en bandoulière sur ses épaules, répétait d’une voix aiguë : «  Du bon, du bon lait,   et tiens ! Frais dès le matin-tin-tin ! Jamais trop tôt pour une tite tasse ! Vous serez plus jamais à la ramasse ! ».

C’était horrible. Un supplice auditif.

J’avoue que l’occasion était trop belle même si j’ai toujours du mal à parler de ce que j’écris…(la confiance ne m’étouffe pas)
J’avais commencé un peu par hasard ce que je pensais être une nouvelle policière  avec un zeste de fantasy animalière,  fin janvier. Et quelques 25 chapitres plus tard, je me retrouve avec un roman court, mis en ligne entièrement sur Neovel (une petite plateforme qui monte) et en partie sur Wattpad. J’ai publié le dernier chapitre samedi.
Il faut dire que dans l’intervalle, j’ai appris l’existence d’un concours sur Neovel, alors que l’histoire que j’écrivais était bien entamée.
Le mystère du pépin de pomme, 1ère enquête d’un trio félin assez original, participe donc à ce concours. Tout le monde peut encore voter jusqu’au 14 avril. Pour cela, il suffit de se rendre sur le site, de se créer un compte et de lire les 3 premiers chapitres. Au bout de trois, on voit apparaître la proposition « voter pour ce livre ». C’est important, ça peut me permettre d’être éditée ! 

https://fr.neovel.io/user/55860/aleya

Le mystère du pépin de pomme sur Neovel 

Alors de quoi ça parle ?

Lady Tabitha de Taigne n’en revient pas : elle vient d’apprendre par le laitier que son associé, le grand enquêteur Maître Leroux, a disparu ! Selon la rumeur, il n’a laissé derrière lui qu’un pépin de pomme. Elle repart enquêter, elle qui n’est plus une jeune minette mais, heureusement, des partenaires imprévus viennent lui prêter patte-forte : Grinéblan, fils du comte Grey et le jeune Newton, dit Nioute la Filoute, matou des rues. Le trio viendra-t’il à bout de cette énigme dans Furrville ?

Et, puisque j’ai l’intention de le traduire en entier en anglais, les premières lignes sont disponibles  aussi en anglais dans la vidéo réalisée avec des outils bien utiles, ci-dessous.

The novel is only available  in French for the moment but I am translating it and hope to put it online in English very soon.  As I intend to translate the story entirely into English, I made this video in which you can hear the first lines of the novel. In English.

« Lady Tabitha de Taigne can’t believe it: she has just learned from the milkman that her partner, the great investigator Maître Leroux, has disappeared! According to the rumor, all he left behind was an apple seed. She sets out again to investigate, no longer a young pussycat, but fortunately, unexpected partners come to lend a hand: Grinéblan (Greynosewhite), son of Count Grey, and young Newton, known as Nioute la Filoute(Newt the scoundrel), a street tomcat. Will the trio be able to solve this enigma in Furrville? »

Merci pour le trio félin ! Merci de penser à moi.
Je pense qu’il y aura une autre enquête car le monde dans lequel évolue les chats détectives est finalement assez vaste (on y trouve des loutres pirates, et…mais chut !)

 

Premières lignes – 28 mars

Premières lignes 

« Bobby Spencer – c’était le nom qu’il utilisait dans le coin – marchait dans la rue. Il était à peine plus qu’un garçon, mais dans le Delta,  on devenait vite un homme. Il était déjà bien assez vieux pour faire danser les juke joints toute le nuit, et sa réputation ne faisait que croître. Les invitations se multipliaient et on le payait de mieux en mieux. »

C’est le titre qui m’a attirée en premier : Crossroads. 
A la croisée des chemins, un bluesman fait une étrange rencontre qui va changer sa vie, son destin et le faire entrer dans la légende de la musique. Si ça ne vous dit rien, c’est la fameuse histoire du « pacte » conclu avec le diable qui tourne autour de Robert Johnson,  désigné alors comme fondateur du blues, du rock, et du Club des 27, tout ça malgré lui.
De lui, il reste quelques enregistrements effectués en 1936 et 37 : 29 exactement, pas une chanson de plus. Robert Johnson décède en 1938.
Sur ce thème, l’auteur québécois Hervé Gagnon a imaginé un thriller fantastique. Il y est question d’une mystérieuse boîte contenant des affaires laissées par Johnson et transmises étrangement à deux professeurs d’université : un homme blanc et une femme noire, tous les deux fans de blues.
Il y est aussi question de hoodoo, de sorts et donc du fait d’y croire ou pas. On oscille un bon moment entre réel et surnaturel avant que l’auteur prenne un parti-pris qui fait tout basculer (vers le fantastique, pas le meilleur du roman).
Si j’ai apprécié la progression de l’intrigue, bien ficelée, les personnages m’ont paru quand même rester dans un cliché « coup de foudre » un peu niais ou trop sexualisé (on s’en fiche vraiment de savoir ce que ces deux-là font au lit, en fait).
Pour le reste, quelques américanismes sont légèrement redondants, en particulier les insultes. En fait, je n’en pouvais plus de lire « f***k me with… » à chaque fois que l’un des personnages jurait. Une fois ou deux, passe encore, mais pas tout le temps !
De même, je ne vois pas trop l’intérêt de ne pas traduire « pawn shop » : une boutique de prêteur sur gages, ça existe en français, même si ça ne sonne pas pareil.
Je n’ai rien à redire sur certaines expressions québécoises, légèrement différentes des françaises : elles m’ont paru très compréhensibles.
En fait, je suis restée accrochée au livre parce que je voulais savoir, donc, pari réussi ! Tout ce qui est en lien avec la musique est excellent et bien documenté. De ce côté-là, j’ai vraiment apprécié. De même, les rituels de hoodoo (pour conjurer les mauvais sorts) m’ont fait penser à ceux pratiqués dans les Antilles françaises (mêmes origines africaines).
En fait, malgré les imperfections du roman, j’ai passé un bon moment, l’aspect fantastique étant bien amené (brrrr). Et je ne vous dirais pas ce qui se cachait au carrefour des routes, finalement.

Crossroads par Gagnon

 

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

 

Premières lignes – 21 mars

Premières lignes 

 » Si vous ne lisez qu’un document parmi ceux que nous avons envoyés, que ce soit celui-ci. Je vous le demande en sachant fort bien que je déroge à mes convictions profondes. c’est dans les rapports que se trouvent nos conclusions scientifiques, et c’est ici la science le plus important, de loin. Mon équipage et moi sommes secondaires. Tertiaires, même.
Malgré tout, il est capital pour nous que quelqu’un reçoive ceci.

Ne vous pressez pas. Ce fichier aura mis quatorze ans à atteindre la Terre et, si nous avons la chance que quelqu’un le lise immédiatement et réponde sans tarder, il repartira pour quatorze autres années. Donc, bien que nous ne puissions pas attendre éternellement, l’urgence est ici relative, comme souvent dans les voyages intersidéraux.
Vous pourriez lire la fin directement, c’est vrai. Vous ne seriez pas le premier et, honnêtement, c’est là que se trouvent les observations les plus lourdes de conséquences. Et peut-être, si vous savez déjà qui nous sommes et ce que nous faisons, si vous êtes de ceux qui nous ont envoyés ici, vous comprendrez quand même. Pourtant, je pense que le pourquoi de notre requête est important. Naturellement, je ne suis pas objective, et pour deux raisons : non seulement ce rapport parle de mon équipe et de moi, mais nous sommes des scientifiques. Les pourquoi sont notre raison d’être.
Cela fait cinquante ans que nous avons quitté la Terre, et je ne sais pas quels yeux et quelles oreilles mon message a trouvés. J’ignore à quel point une planète peut changer en l’espace d’une vie. « 

Je ne vais pas le cacher : j’aime ce qu’écrit Becky Chambers et ceci depuis L’espace d’un an. On qualifie souvent sa SF de « positive » ou solar punk  ; oui, et tant mieux. Je n’avais pas encore eu l’occasion de lire Apprendre si par bonheur, une très (trop) courte novella sous forme de journal écrit à la 1ère personne. Le titre qui m’intriguait (To be taught, if fortunate) est une citation de l extrait d’un message du  secrétaire général de l’ONU envoyé  à bord de la sonde Voyager, en 1977.
Nous suivons un petit équipage, au début du XXIIème siècle, constitué d’une poignée de scientifiques, en mission d’exploration. Ils et elles vont se poser sur différentes exo planètes où la présence de la vie a été détectée.  Le journal est écrit pat Ariadne O’Neill, ingénieure de vol. Elle sait qu’ils doivent attendre de nouvelles instructions en provenance de la Terre dès que leur mission sera accomplie. Mais, de nombreuses années se sont écoulées sur Terre… Absorbé par leur travail sur les différentes planètes, l’équipage ne se rend pas tout à fait compte du temps qui passe ni du fait que…plus personne ne les informe. La Terre ne répond plus !

Ce petit ouvrage est à la fois instructif sans être pénible (l’autrice explique comment elle a récolté ses informations scientifiques à la fin), et reste un bijou de délicatesse comme Chambers sait les concocter. Le reproche que je peux faire, c’est la longueur : j’aurais tellement aimé lire un texte plus long…

Apprendre, si par bonheur... par Chambers

 

Je vais pouvoir le rajouter au Challenge de l’Imaginaire qui, pour moi, n’avance pas beaucoup cette année, fatigue et panne de lecture assez présentes.

 

 

 

Premières lignes — 13 février

Premières lignes 

 » A la fin d’une chaude journée de novembre, Miss Baines et Miss Williams du rayon Robes de Goode’s se plaignaient en enlevant leur robe noire pour se changer avant de rentrer chez elles.
 » Mr Ryder n’est pas si méchant que ça, disait Miss Baines en parlant du chef de rayon ; c’est Miss Cartright qui est une enquiquineuse, si vous me passez l’expression. »
Miss Cartright était l’acheteuse et elle ne leur laissait jamais une minute de répit.
Mrs Williams haussa les épaules et entreprit de se poudrer le nez.
 » A cette époque de l’année, elle est pire que jamais, souligna-t’elle. « 

Sidney, 1959 : dans ce grand magasin, au moment des fêtes de fin d’année puis des soldes de janvier, le rayon des  » robes de cocktail » a besoin de renfort. La jeune Lesley — qui a décidé de se faire appeler  » Lisa » — vient de finir le lycée et en attendant les résultats de ses examens, se fait embaucher. Elle découvre alors un monde  nouveau. On découvre des femmes au travers de différents points de vue grâce à l’écriture précise et au talent de Madeleine St John. Ainsi, nous suivrons Fay (Miss Baines) à qui on présente de jeunes gens australiens qui la fatiguent tant ils sont insipides et tous pareils. Sa collègue, Patty (Mrs Williams) est à peine plus âgée qu’elle mais elle est déjà mariée depuis plusieurs années à Frank, un époux un peu fade. Le couple n’a pas d’enfants. Le médecin a insinué que le problème venait du mari mais, évidemment, on n’en parle pas, sans compter que Frank semble s’en fiche. Patty s’ennuie… Enfin, il y a l’incroyable Magda qui impressionne les deux autres : elle s’occupe de la haute couture et, attention, elle est européenne !
Ah, et pourquoi les petites robes  noires ? Parce que c’est l’uniforme du magasin en quelque sorte.
Quand Lesley/Lisa débute au magasin, très vite Magda décide de la prendre sous son aile et de lui montrer que, oui, on peut s’émanciper.
Le ton est celui de la comédie, mais finalement, assez caustique (Jane Austen n’est pas loin). Madeleine St John sait dénoncer avec malice les rôles qui sont attribuées aux femmes dans la société des années 50. Rien de révolutionnaire mais des petites touches qui font mouche (le roman a été écrit en 93 mais s’appuie pour beaucoup sur la jeunesse de l’autrice qu’on devine sans peine au travers du personnage de Lisa).

Un petit délice à découvrir. Il a été adapté en film.
Il paraît que le chef d’oeuvre de St John n’est ce livre mais Ruptures et conséquences (Albin Michel).

Les petites robes noires par St John

 

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :

Premières lignes – 1 er février

Premières lignes ou plus exactement « premières cases » pour changer un peu.

 

 

Et oui, il s’agit du tome 8 de L’Atelier des sorciers. En fait, j’ai rattrapé mon retard (inexplicable) et j’ai lu d’affilée les 7, 8 et 9 (avec une relecture en diagonale du 6 parce que, le temps passant, j’avais oublié un peu certains détails).

Manga - Manhwa - Atelier des sorciers (l') - Collector Vol.8

Résumé « Après avoir réussi leur examen à l’Académie, Coco et les autres apprenties sorcières sont de retour à l’Atelier. C’est alors qu’arrive Tarta, qui propose à Coco et à ses amies de l’aider à tenir un stand lors du grand festival annuel des sorciers, la Fête de la Nuit d’argent. Excitées comme des puces à l’idée de prendre part à ces festivités, les petites sorcières entament les préparatifs. Alors que Coco accompagne Tarta voir son grand-père à l’hôpital, elle recroise le chemin de Kustas, le petit garçon qui s’était blessé lors de l’incident près de la rivière… »

 

Kamome Shirahama prend tout son temps, dorénavant. Et, si dans le tome précédent nous avions eu des révélations sur le passé de Kieffrey et son amitié avec Olugio (les deux maîtres sorciers de l’atelier), cette fois c’est une nouvelle orientation qui est pris.  Nous retrouvons Tarta, plus heureux et épanoui depuis qu’il s’est autorisé à devenir un sorcier mais aussi le jeune Kustas, qui s’était blessé lors de l’incident près de la rivière.
La mangaka s’attarde sur les origines de Kustas, son père adoptif, Dagda. Elle en profite pour aborder l’inégalité sociale, pour évoquer aussi la médecine (avec un parallèle avec la magie puisque les deux ont le but d’améliorer les choses. La question du handicap, via celui de Kustas, est présente.
En fait, j’ai quand même eu l’impression qu’on s’éloignait un peu de l’intrigue principale — Kamome Shirahama nous emmène effectivement sur des chemins tortueux et de traverse depuis quelques tomes — avec un peu moins d’intérêt dans ce huitième. J’ai un peu la crainte que la série ne s’allonge à cause de ces détails sans cesse rajoutés même si, d’un autre côté, j’aime beaucoup découvrir toutes les facettes de ce monde, de la magie et les nouveaux personnages.
Disons que ce tome 8 n’est peut-être pas le plus passionnant mais qu’il sème des éléments importants pour la suite (beaucoup de mystères ici et là)

Que dire d’autre sinon que sur le plan visuel, le résultat est toujours aussi somptueux ?  C’est un dessin que j’aime particulièrement. Et les éditions collector sont magnifiques, je confirme.
L’atelier des sorciers est une réussite ; vivement la suite !

 

Les blogueurs et blogueuses qui y participent aussi :