Premières lignes — L’espace d’un an

Premières lignes de la semaine :

« En s’éveillant dans le module, elle se souvint de trois choses. La première : elle voyageait dans l’espace large. La deuxième : elle allait prendre un nouveau poste. La troisième : elle avait corrompu un fonctionnaire pour obtenir un fichier d’identité falsifié. Même si aucune de ses informations ne constituait une nouveauté, elles n’assuraient pas un réveil agréable. « 

Depuis que j’ai lu Semiosis de Sue Burke, je me suis dit que j’étais réconciliée avec la SF. Ou presque. Pas tout à fait, quand même.
Je le suis avec les livres, mais pas forcément avec le milieu, en généra. Exemple :  lorsque j’entends ou quand je lis, très effarée des phrases peu subtiles du type   » la SF c’est bon, la fantasy c’est de la m…. » ou encore  « il faut avoir forcément  une formation scientifique pour apprécier la SF », j’ai l’impression de tomber des nues (ou sur le cul, et ça fait mal). Cela me rappelle une époque que je croyais révolue où le milieu de la SF était presque exclusivement masculin, blanc, peuplé de matheux – des gens qui vous rejetaient avec un paquet de moqueries quand vous ne correspondiez pas aux critères. (je veux parler de souvenirs des années 80, avant cela j’étais bien trop petite). 
Oh, wait… Serait-ce encore un peu le cas ? Aurais-je mal compris ? 

En outre, les personnes qui ont à la bouche de telles….assertions ( âneries?)  ne font aucun bien au(x) genre(s). Les littératures de l’imaginaire, les fameux « mauvais genres« , sont multiples, complexes et s’adressent à un ensemble de personnes, complexes, aussi. En écarter certaines pour une ou plusieurs raisons, il me semble que cela ressemble à une forme d’élitisme, exactement ce que certain.e.s reprochent aux  gens appartenant au milieu de la littérature dite « blanche » (comprenez : non-imaginaire même si parfois, les frontières deviennent floue).
Bref. Je digresse. Revenons à mes premières lignes et à cette excellente lecture :

Je vais donc parler d’un autre roman de SF qui m’a à peu près autant plu que Semiosis bien que différent. Un roman de SF, donc. Un space opera qui défie les codes : L’espace d’un an, de Becky Chambers (L’ Atalante).  Nous sommes invités à suivre Rosemary, une jeune femme qui commence une nouvelle vie à bord  la vie du Voyageur,  un vaisseau chargé de creuser des tunnels dans l’espace (d’où le terme ‘tunnelier »). Très vite, nous faisons connaissance avec les différents membres de l’équipage, tous d’espèces différentes : Sissix , une Aandriske, sorte de reptile  à plumes ; le Dr. Miam  un Grum amphibien doté de plusieurs mains/pieds ;  Ohan, paire Sianate à qui il faut s’adresser au pluriel puisque  son cerveau est l’hôte d’un neurovirus formant la deuxième partie du duo ; sans parler de Lovey, l’Intelligence Artificielle. Il y a aussi quelques humains assez remarquables : Jenks, le tech de petite taille amoureux de l’I.A, Kizzy, l’autre tech aux réactions plus que spontanées et parfois enfantines, Corbin, un ronchon aux préjugés spécistes, et le capitaine Ashby, amoureux d’une extra-terrestre. Tout le monde cohabite tant bien que mal, s’aime, se chamaille, souvent dans un joyeux bazar. C’est un peu Galactica, un peu Babylon 5, un peu Star Trek parfois, mais en plus déjanté, en plus optimiste aussi, malgré les conflits et l’extinction de certaines espèces. On fait le voyage avec eux et quel voyage ! Car il ne s’agit pas seulement un voyage dans l’espace mais surtout un parcours de plusieurs êtres ensemble…
Becky Chambers a le chic pour écrire des personnages attachants, aux histoires mouvementées. On a envie d’en savoir plus — et tant mieux, il y a deux autres livres situés dans le même univers que celui-ci. Le tout est regroupé  dans la trilogie : Voyageurs, à l’Atalante, bien sûr. C’est fin, bien fait, rafraîchissant, marrant, émouvant et tendre (et pas neuneu du tout, contrairement à ce que j’ai pu lire). Oui, c’est à lire. Oui, c’est un grand roman de SF.

L'espace d'un an par Chambers

Résumé : Rosemary, jeune humaine inexpérimentée, fuit sa famille de richissimes escrocs. Elle est engagée comme greffière à bord du Voyageur, un vaisseau qui creuse des tunnels dans l’espace, où elle apprend à vivre et à travailler avec des représentants de différentes espèces de la galaxie : des reptiles, des amphibiens et, plus étranges encore, d’autres humains. La pilote, couverte d’écailles et de plumes multicolores, a choisi de se couper de ses semblables ; le médecin et cuistot occupe ses six mains à réconforter les gens pour oublier la tragédie qui a condamné son espèce à mort ; le capitaine humain, pacifiste, aime une alien dont le vaisseau approvisionne les militaires en zone de combat ; l’IA du bord hésite à se transférer dans un corps de chair et de sang… Les tribulations du Voyageur, parti pour un trajet d’un an jusqu’à une planète lointaine, composent la tapisserie chaleureuse d’une famille unie par des liens plus fondamentaux que le sang ou les lois : l’amour sous toutes ses formes. Loin de nous offrir un space opera d’action et de batailles rangées.

J’ajoute cette lecture au thème du mois de mars du HMSFFF challenge : les autrices et au Challenge de l’Imaginaire 

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