Premières lignes — 6 décembre

Premières lignes 

 » Ma vie s’est réduite à des fragments flottants en noir et blanc, mais je me rappelle en couleurs les instants avec Jack, dans une brume de rouge, jaune et bleu vif. Des détails sensoriels. Le son de sa voix. Son odeur, comme un forêt en hiver. Je le vois couché près de moi, son visage éclairé par la lune. Sa main tient la mienne, et tout mon corps est chaud, malgré le froid. Je sens son souffle sur ma peau. 
Je n’oublie pas tout cela. 
J’avais dit à Jack de garder ses distances. Il te fera souffrir, lui avais-je dit. Il prendra ce à quoi tu tiens le plus. Il le fera avec un sourire, et puis il fumera une cigarette. 
Jack ne m’a pas écoutée. 
Mais je brûle les étapes. Je vais directement à la fin, alors que pour comprendre la vérité, il faut commencer par le début. »

En effet, pour comprendre la fin de ce roman, il m’a fallu relire le texte placé en exergue  et écrit en italique. Car  ce sont ces épigraphes, exprimant le point de vue de l’un des personnages (Ava) qui donnent la clé de ce thriller haletant (la fin étant le début, pour ne pas en dire plus).
Revenons donc au début.
Le Fracas et le Silence (Where Beauty There Is ), premier opus de Cory Anderson, est sorti à la fois en collection adulte chez Fleuve et en YA chez PKJ (l’édition que j’ai reçue).

Le fracas et le silence par Anderson

D’entrée, le ton est donné : la mère de Jack, l’aîné et de son jeune frère, Matty, se suicide. Les frères sont seuls, leur père purgeant une peine de prison. Jack va tout faire pour éviter de se trouver séparé de Matty par les services sociaux. Mais il manque de tout : d’argent, pour commencer. Et vu la réputation de ses parents, personne ne veut lui confier un petit boulot après les cours. Matty se fourre dans les ennuis, les gros. Il va finir par accepter l’aide d’Ava (la voix des épigraphes, le fil rouge du roman), sans savoir qu’elle est la fille de celui qui autrefois a trahi son père. A partir de là,  ce ne sont plus de gros ennuis qui attendent Ava, Jack et Matty, c’est une succession de catastrophes.
Cory Anderson a signé un roman noir aussi sublime que terrifiant, sans concession, qui fait penser à certains films  : « No country for old men »au hasard – le fait qu’elle ait appelé le père d’Ava, le psychopathe, Bardem doit jouer un rôle dans mon choix, je pense.
La nature glacée joue un rôle fondamentale dans son livre. C’est un personnage à part entière.
De même, elle a su construire habilement une narration ingénieuse avec la boucle dont je parlais au début. Les chapitres sont numérotés dans l’ordre croissant jusqu’à un certain point, suivant le point de vue du jeune Jack puis, tel un pivot, on trouve le poème qu’évoque Ava : Invictus  de Henley. Bien sûr, ce poème n’est pas cité par hasard, ni pour faire joli. Il est cité à un moment-clé  en lien avec le crescendo dramatique (que je ne vais pas révéler sans dévoiler toute l’intrigue du thriller).
Puis, le roman bascule sans qu’on y prête attention à première vue, tant on est pris par les péripéties. Pourtant, les chapitres sont à présent numérotés dans l’ordre décroissant. Et c’est le point de vue de Jack que nous lisons. Le point de vue d’Ava restera toujours jusqu’à la fin visible grâce aux épigraphes. Jusqu’à la fin ? Mais est-ce bien la fin ? Ou doit-on rembobiner le tout ?
Ce livre est intelligent, vraiment. Malgré quelques petites incohérences dans le réalisme des situations (ex:  Jack réussit à tromper le surveillant pour voir son père en prison  en mentant sur son âge alors qu’il montre son permis de conduire… où se trouve sa date de naissance ? Hum… ), tout est bien admirablement bien ficelé, avec une écriture rapide et parfois poétique, surtout dans l’évocation de la nature. Les thèmes peuvent paraître durs (suicide, pauvreté, traîtrise, maltraitance d’enfants, drogue, etc…) et c’est la raison pour laquelle il s’agit bien de YA, voire de roman pour adultes et pas d’un livre « jeunesse » (13 ans et + pour PKJ éditions).
Mais je dois dire que si Cory Anderson continue sur cette voie, elle va être une autrice à surveiller …
Pour les amateurs et amatrices de romans noirs, thrillers, livres palpitants. Je le conseille vivement. C’est une réussite.
Merci encore à Babelio et aux éditions PKJ 

Résumé : C’est l’hiver, quelque part dans l’Idaho. Le ciel est noir et il fait un froid à fendre les os.
Jack, dix-sept ans, n’a plus d’espoir, plus d’avenir, personne sur qui compter. Hormis son petit frère Matty, pour lequel il serait prêt à se sacrifier. Depuis la mort de leur mère, leurs ressources sont de plus en plus réduites. Jack n’a plus le choix : pour éviter de devoir confier son frère à un orphelinat, il doit trouver l’argent sale qui a envoyé son père en prison.
Ava a le même âge. Sa vie n’est que solitude, secret, silence. Son père, qui lui a appris à n’aimer personne, à ne faire confiance à personne, est sur les traces du même butin que Jack. Quand le chemin des deux familles se croise, Ava doit faire face à un dilemme : garder les secrets de son père ou aider les deux frères à survivre…

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